Charleroi s'engage à devenir une ville gay-friendly

Charleroi a désormais son passage pour piétons aux couleurs de la communauté LGBTQI+

© Tous droits réservés

Par Sofia Cotsoglou

Après Liège, Mons et Bruxelles, Charleroi a inauguré son premier passage pour piétons aux couleurs de la communauté LGBTQI+. "Il symbolise une ville plus égalitaire et plus inclusive", se réjouit Françoise Daspremont, l’échevine carolo pour l’égalité des chances.

Mais point de naïveté. Ce n’est pas avec un coup de peinture aux couleurs de l’arc-en-ciel que le pays noir va combattre les discriminations envers les personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres, queer et intersexes.

En 2021, les homosexuel.le.s ne peuvent toujours pas se tenir la main sans se faire insulter

"Pédé", "Travelo", "On ne veut pas de ça chez nous", "Cache-toi", "Ce n’est pas normal". Voilà ce qu’entend quotidiennement Cailean Dangreau, assistant social à la maison arc-en-ciel de Charleroi. "Ce n’est pas comme si on entendait ça une seule fois et qu’on pouvait se dire que ce n’est pas grave", déplore-t-il. "Les insultes homophobes, c’est tous les jours, ça se répète sans cesse."

"Pas plus tard qu’hier, un couple d’amis s’est fait insulter dans le bus juste parce que les deux hommes se tenaient la main", rapporte Cailean Dangreau. "Cette injonction à se cacher, à ne pas pouvoir être soi-même dès qu’on sort de la norme hétérosexuelle et cisgenre [ndlr : personne dont l’identité de genre est celle qui lui a été assignée à la naissance], c’est vraiment pénible."

Le taux de suicide est beaucoup plus élevé chez les personnes homosexuelles et transsexuelles

 

Découvrir son identité homosexuelle ou trans peut être vécu comme une épreuve, une source d’angoisse et de honte. Dévalorisation, dépression voire tentative de suicide sont courantes chez les jeunes LGBTQI+. Et parfois, la douleur est telle que certain.e.s passent à l’acte.

Plusieurs études se sont intéressées au risque suicidaire des minorités sexuelles. En Belgique, une enquête menée en 2000 démontre que les hommes issus de minorités sexuelles ont 2,5 fois plus de risques de faire une tentative de suicide. Pour les femmes homosexuelles et bisexuelles, le risque suicidaire est 6,3 fois plus élevé.

Un jeune de 14 ans bousculé, moqué et exclu par ses copains de classe

La violence homophobe commence très tôt. "Une maman nous a appelées à l’aide pour son fils de 14 ans. On le traite d’homo, de tapette, on le bouscule, on échange ses feuilles, personne ne veut s’asseoir à côté de lui en classe", rapporte Marie Luisi de l’antenne hennuyère d’Unia, le centre fédéral pour l’égalité des chances.

La violence est telle que cet élève de deuxième secondaire n’est plus en mesure de suivre les cours.

Le monde du travail peut également être d’une violence inouïe

Le harcèlement ne s’arrête pas aux portes de l’école. Marie Luisi se souvient du cas d’un travailleur dont le compagnon était venu le chercher à la fin de sa journée de travail. "Depuis, ça a été l’enfer pour lui", précise-t-elle. "On taguait son casier, on lui a même mis des excréments dans son casier, on lui interdisait l’accès aux toilettes pour hommes."

Oser porter plainte

Menaces, intimidations, agressions, crimes, l’homophobie n’est pas une opinion. C’est un délit punissable par la loi.

Peur des représailles, gêne, culpabilité, honte. De nombreuses victimes n’osent pas franchir les portes d’un commissariat pour déposer plainte.

A Charleroi, la police se dit particulièrement sensible aux questions de discriminations et entend appliquer la tolérance zéro.

"Quand je suis entré à la police, se faire traiter de "tapette", c’était "comique". Aujourd’hui, on ne tolère plus ce genre de mots", lance David Quinaux, référent police en matière de discriminations.

Le commissaire invite d’ailleurs les victimes à déposer plainte. Au moins pour visibiliser ces injustices. "Ce qui n’existe pas, n’est pas traité. Plus le phénomène a de la visibilité, plus nous pourrons adapter nos plans d’actions", insiste David Quinaux.

Les policiers ont été formés pour accueillir la parole des victimes avec bienveillance et professionnalisme

Que la police soit sensibilisée à ces questions? "C’est indispensable", répond Marie Luisi d’Unia, le centre fédéral pour l’égalité des chances. "Dans beaucoup de zones de police, les victimes sont mal reçues. C’est la double peine pour elles."

Une gay pride carolo le week-end du 27 août

Pour devenir une ville gay-friendly, il fallait aussi une pride"Nous avons donc créé la fête de l'amour", explique Babette Jandrain, échevine en charge des fêtes. La première édition a eu lieu en 2019. En 2020, covid oblige, l'événement a été annulé.

Cette fête de l'amour avec un grand A met en avant la communauté LGBTQI+ mais pas seulement. "L'amour fraternel, amical, parental, tout les amours sont fêtés", poursuit Babette Jandrain. "Ce sera évidemment festif avec des concerts mais il y aura aussi des projections de films au Quai10 et des actions de sensibilisation."

La fête de l'amour se tiendra sur trois jours : du vendredi 27 août au dimanche 29 août 2021. Sous réserve des mesures sanitaires.

S’il paraît illusoire de parvenir à éradiquer les violences envers les minorités sexuelles, assurer aux victimes un accueil bienveillant et professionnel et donner la certitude aux auteurs de ces violences qu’ils ne resteront pas impunis, c’est déjà un très grand pas. Et s’il se fait sur un passage pour piétons multicolore, c’est encore mieux!

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous