Comme beaucoup d’entreprises, surtout celles de grande taille, le groupe Total attache depuis longtemps de l’importance à sa communication.
Comme d’autres entreprises, Total a publié, au cours de son histoire, de nombreux documents et articles, notamment dans des revues et magazines que le groupe a lui-même édités. C’est notamment sur ces documents que Christophe Bonneuil, directeur de recherche au CNRS, Pierre-Louis Choquet, sociologue à Sciences Po, et Benjamin Franta, chercheur en histoire à l’université américaine de Stanford, se sont penchés dans les archives du groupe pétrolier ainsi que dans celles de Elf, autre grand pétrolier français, rival de Total jadis, mais faisant, depuis 1999, partie du groupe Total. Ils viennent de publier le fruit de leurs recherches dans un article de la revue Global Environmental Change.
Pour ces chercheurs, le personnel de Total était averti, dans les publications internes, des conséquences que les produits pétroliers pouvaient avoir sur le réchauffement climatique.
Dès 1971, une publication de la revue de Total expliquait que la combustion d’énergies fossiles conduit "à la libération de quantités énormes de gaz carbonique" et à une augmentation de la quantité de gaz carbonique dans l’atmosphère. Une "augmentation […] assez préoccupante", notait le texte de 1971. Pour autant, le groupe a passé ce sujet sous silence, relèvent les chercheurs.
A l’époque, l’industrie pétrolière française devait encore affronter une opinion publique hostile, après l’explosion de la raffinerie de Feyzin (département du Rhône) en 1966, avec ses 18 morts, dont 11 pompiers et plus de 80 blessés. A la même époque, il y avait aussi eu la catastrophe du pétrolier Torrey Canyon, en 1967 dont la nappe avait atteint les côtes françaises. L’image du secteur pétrolier au début des années 70 était suffisamment négative pour ne pas, en plus, aggraver le cas en mettant en lumière les effets du secteur sur le réchauffement climatique…
Alors, on minimise. L’UCSIP, l’Union des Chambres Syndicales de l’Industrie du Pétrole, soit la fédération des industries pétrolières françaises, s’organise pour minimiser les effets du réchauffement. Dans une publication, elle parle "d’un léger effet de réchauffement du climat terrestre pour la fin du siècle". Cependant, l’impact des activités humaines serait "discutable".