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Changement climatique : le destin de l’humanité est-il seulement une affaire d’hommes puissants ?

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Par Claudia de Castro Caldeirinha*, une chronique pour Les Grenades

La plupart des pays du monde se remettent péniblement des catastrophes climatiques extrêmes de l’année dernière et se préparent d’ores et déjà à une autre année difficile : des températures sans précédent, des pertes humaines et matérielles dans des inondations et des tempêtes ainsi qu’un manque de pluie généralisé qui laissent inquiets et inquiètes quant à la suite des événements.

Nous avons atteint 1,2 °C de réchauffement global et le temps (pour un changement efficace) nous est compté. Ce message, exprimé par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, est peut-être l’un des moments les plus marquants de la dernière Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques ou Conférence des Parties (COP), la COP27, qui s’est tenue en novembre 2022 à Sharm-el-Cheikh, en Égypte.

Aucun résultat concret n’a été obtenu en matière de financement des efforts d’atténuation et d’adaptation, et aucun nouvel objectif concret n’a été fixé pour réduire les émissions par rapport à la COP 2021 de Glasgow. Certes, trouver un compromis représente un défi lorsque le sujet abordé est aussi complexe que le changement climatique, ce qui peut expliquer certaines lacunes.

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Cependant, comment peut-on encore justifier de discuter du sort de l’humanité entière à une table où la voix des femmes (50% de la population mondiale) a été largement "oubliée" ?

Le chemin est encore long jusqu’à la COP 2023 prévue en décembre aux Émirats arabes unis. Nous devons tirer les leçons des manquements précédents, afin d’éviter de perdre un temps précieux pour notre planète.

Où sont les femmes à la COP ?

L’objectif de la COP27 était de faire progresser les pratiques établies en 2021 lors de la COP26 à Glasgow. Mais la COP27 a fait l’objet d’une levée de boucliers avant même le début des sessions, en raison d’un manque apparent de transparence, de démocratie et de diversité. Les journalistes ont été largement snobés, les activistes et la société civile ont été tenus à l’écart, et les lobbyistes ont rempli la salle alors que les femmes n’y étaient presque pas présentes.

L’égalité de représentation des sexes dans les conventions sur le climat est une question récurrente. Lors de la COP26, les femmes cheffes de délégations n’étaient même pas 10 sur les 140 dirigeants présents à la conférence.

La "photo de famille" des dirigeants mondiaux lors de la COP de 2022 en Égypte a une fois de plus montré clairement que les femmes sont scandaleusement sous-représentées lors d’événements aussi importants, puisque cette fois, seules 7 des 110 dirigeants présents étaient des femmes. Le fait que les femmes représentent moins de 34% des équipes de négociation des différents pays et que 90% de certaines équipes soient composées uniquement d’hommes est tout simplement alarmant.

Chaque pas compte, qu’il soit petit ou grand

L’amélioration de l’équilibre entre les sexes commence par les équipes de représentants nationaux et doit donc être un objectif à viser en priorité.

Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne qui dirige les travaux sur le Green Deal européen, a récemment rappelé que nous devions continuer à avancer, "quelle que soit l’ampleur de la tâche". L’intersection entre le changement climatique et l’égalité des sexes est trop forte pour être ignorée.

Les femmes : victimes, agents et leaders dans la lutte contre le changement climatique

Il est prouvé que le changement climatique affecte les femmes de manière disproportionnée. Selon plusieurs recherches. Ce fait est le résultat d’un complexe déséquilibre genré. Par exemple, la crise climatique rend plus difficile l’accès des femmes aux ressources, aux services et à l’éducation, à des installations sanitaires adéquates et à l’eau potable, ce qui accroît encore leur précarité politique et sociale.

L’égalité de représentation des sexes dans les conventions sur le climat est une question récurrente

Par contre, il est totalement faux de dépeindre les femmes uniquement comme victimes, une masse silencieuse attendant que les hommes prennent le relais. Elles sont des actrices capables et essentielles dans ce combat et des pionnières des mouvements environnementaux. Des études montrent que les femmes font plus que leur part pour réduire leur empreinte carbone dans la vie quotidienne. Ce n’est donc pas surprenant que les entreprises comptant plus de femmes dans leur conseil d’administration sont plus susceptibles d’être sur la bonne voie pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux.

D’ailleurs, elles sont des leaders dans leur communauté, meneuses des mouvements écoféministes, porteuses de projets éco-durables et innovants, notamment dans l’agriculture. Dans la société civile, les femmes du monde entier créent des réseaux puissants pour lutter contre la dégradation de l’environnement et les inégalités liées au climat.

Malgré ces avantages, des écarts importants entre les sexes en matière de leadership environnemental persistent dans de nombreux pays, surtout dans les pays particulièrement vulnérables au changement climatique et dont les conséquences différentiées selon le sexe sont les plus aiguës. Enfin, elles sont souvent des expertes dans la résolution des conflits liés à la crise du climat et dans la prise en charge de sujets sensibles tels que les réparations climatiques.

Selon l’OCDE, le renforcement du leadership des femmes dans la gouvernance publique peut contribuer à mettre en avant leurs expériences en matière d’environnement et à souligner leur rôle en tant que parties concernées et actrices du changement.

Elles sont des actrices capables et essentielles dans ce combat et des pionnières des mouvements environnementaux

Cela s’explique, entre autres, par le fait que les femmes au pouvoir politique sont plus susceptibles de défendre les questions liées à l’égalité des sexes et d’accroître la participation politique des femmes. La présence accrue des femmes dans le processus décisionnel politique est également synonyme d’objectifs et de politiques climatiques plus ambitieux. Les femmes au Parlement européen sont plus susceptibles de soutenir la législation environnementale, par exemple. L’une des déclarations d’action sexo-spécifiques les plus importantes décidée par la COP a été signée en premier par une forte majorité de dirigeantes.

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Lorsque les enjeux sont si élevés, on peut penser qu’il est préoccupant de voir l’une des plus grandes nations exportatrices de pétrole et de gaz, et qui présente de fortes lacunes en matière de droits des femmes, être le pays hôte de la COP28.

Vous l’aurez cependant compris, les voix des femmes sont essentielles dans tous les débats et décisions sur le climat. La prochaine COP se doit donc d’assurer cette égalité aux tables de négociations et de décisions… ou perdre encore ce qui lui reste de crédibilité.

*Claudia de Castro Caldeirinha est conseillère en leadership, diversité et inclusion et égalité des genres. Elle est auteure, conférencière TEDx, formatrice et facilitatrice et coach exécutive. Sa thèse de maîtrise porte sur le lien entre le genre, le conflit et l’identité.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

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