Espace

"Cette fois, NOUS allons sur la Lune !" : l’excitation monte pour l’Agence spatiale européenne, à quelques heures du lancement de la mission Artemis

© Gettyimages

Par Johanne Montay

Le 29 août 2022, si tout se passe comme prévu, un nouveau grand pas pour l’humanité sera franchi. Non pas que l’humain marchera tout de suite à nouveau sur la Lune… après plus d’un demi-siècle. Il faudra attendre pour cela 2025 au plus tôt, avec la mission Artemis III.

Mais ce sera tout de même la première étape du retour de l’humain vers la lune et cette fois, l’Europe est de la partie, non sans fierté. "Avec cette mission Artemis, l’Europe va sur la Lune. C’est historique ! Car l’Europe fait partie de cette mission Artemis menée par la Nasa", s’est enthousiasmé Josef Aschbacher, le Directeur Général de l’Agence spatiale européenne (ESA) lors d’une conférence de presse ce mardi.

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Artemis is the new Apollo (en mieux)

Ne dites donc plus Apollo, c’est tellement "boomer". Dites Artemis ! Depuis la mission Apollo, il y a plus de 50 ans, laissant rêveurs lorsqu’ils étaient enfants les orateurs de l’Agence européenne, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre dans l’histoire de l’exploration de la Lune.

Artemis est un programme de la Nasa, l’Agence spatiale américaine, qui collabore avec l’Agence spatiale européenne, les agences spatiales du Canada et du Japon, ainsi que plusieurs partenaires commerciaux (Airbus et Lockheed Martin, notamment).

L’ambition, à terme, n’est plus seulement d’aller sur la Lune et de revenir, mais de "bâtir un nouvel écosystème et une nouvelle infrastructure" qui ne serait pas possible sans la contribution européenne. Cet apport de l’Europe, c’est l’ESM, le module de service européen sans lequel, comme l’a rappelé le Directeur général de l’ESA, Josef Aschbacher, la Nasa ne pourrait pas emmener d’astronautes sur la Lune et les ramener sur Terre.

L’ESA a en effet conçu ce module de service, c’est-à-dire la centrale électrique qui alimente et propulse la capsule Orion, la conduira à destination et à son point de retour. Pas moins de 26 entreprises et 10 pays européens, dont la Belgique, ont contribué à la création du module ESM dont le maître d’œuvre est le géant Airbus.

© (Nasa/Joel Kowsky)

Helga et Zohar, les mannequins

Artemis I est le premier volet de la mission : lundi 29 août, à 8h33 heure locale (14h33 chez nous), la capsule spatiale Orion de la Nasa, équipée du module de service européen, sera lancée par le lanceur SLS (Space Launch System) de la Nasa, depuis le Centre spatial Kennedy, situé en Floride, aux Etats-Unis. La fusée, avec à son bord la capsule Orion a été transférée le 17 août dernier sur son pas de tir. Elle est en développement depuis plus d’une décennie et deviendra, lorsqu’elle aura décollé, la fusée la plus puissante du monde. Elle mesure 98 mètres de haut.

"L’équipage" mannequin du premier vol de la Nasa et l’ESA vers la Lune
"L’équipage" mannequin du premier vol de la Nasa et l’ESA vers la Lune © DLR
La fusée Space Launch System (SLS) de la Nasa avec le vaisseau spatial Orion à bord au sommet du lanceur mobile sur la rampe de lancement au Kennedy Space Center de la Nasa en Floride.
La fusée Space Launch System (SLS) de la Nasa avec le vaisseau spatial Orion à bord au sommet du lanceur mobile sur la rampe de lancement au Kennedy Space Center de la Nasa en Floride. © (Nasa/Joel Kowsky)

Le vol d’essai permettra de tester le matériel et de mesurer les effets du rayonnement spatial sur les mannequins à bord. À bord d’Orion, en effet, point d’humain, mais des mannequins artificiels, Helga et Zohar, des troncs dont les formes rappellent la physionomie féminine et qui imitent au mieux les tissus et organes d’une femme.

"La capsule Orion va dans un premier temps faire un tour autour de la Lune", explique l’astrophysicien Emmanuel Jehin (ULiège), "se satelliser autour de la Lune au cours d’une mission qui va durer une vingtaine de jours et puis revenir sur la Terre."

Le vaisseau spatial Orion pour la mission Artemis I est mis à l’épreuve à la station Plum Brook de la Nasa.
Le vaisseau spatial Orion pour la mission Artemis I est mis à l’épreuve à la station Plum Brook de la Nasa. © Nasa

Si le créneau du 29 août devait être compromis, deux autres dates de sauvegarde sont prévues : le 2 et le 5 septembre.

David Parker, directeur de l’exploration humaine et robotique de l’ESA, se décrit comme un enfant d’Apollo et ne cache pas son excitation : "Cette fois, NOUS allons sur la Lune", s’est-il exclamé. "Littéralement, avec le module de service européen, mais métaphoriquement, avec nos valeurs européennes, nos découvertes scientifiques pacifiques et notre créativité technologique."

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Artemis II, l’humain à bord

Après Artemis I, le vol d’essai sans équipage, Artemis II sera le tout premier vol d’essai habité d’Orion. Le lancement est prévu en principe pour mai 2024. Ce sera la première mission lunaire habitée depuis la mission Apollo 17 en 1972. Quatre astronautes devront tester le fonctionnement du vaisseau spatial Orion et les différents systèmes de navigation et de communication lors de cette mission qui devrait durer au moins huit jours.

 

Et puis… On remarchera sur la Lune

Enfin, Artemis III, au plus tôt en 2025, a pour ambition de refaire fouler le sol lunaire par l’humain. Les astronautes à bord devraient se poser sur la Lune à l’aide d’un atterrisseur, puis recueillir divers échantillons pour mieux comprendre l’astre lunaire. La Nasa a d’ailleurs annoncé qu’elle enverrait pour la première fois une femme et une personne de couleur sur la Lune.

Objectif Mars

L’objectif de l’ensemble du programme est d’établir une présence humaine durable sur la Lune, ce qui passera par une étape indispensable : la construction du Deep Space Gateway (DSG), une station spatiale hébergeant un module d’habitation autour de la Lune, capable d’accueillir des équipages pour une durée de 42 jours. En réalité, la Nasa a déjà les yeux tournés plus loin, vers Mars. L’exploration de l’espace lointain, les missions habitées sur Mars, sont un objectif à plus long terme.

Emmanuel Jehin, Docteur en astrophysique à l’ULiège, confirme ces objectifs indirects que prépare la mission Artemis : "C’est clairement en vue de préparer une mission sur la planète Mars, à beaucoup plus longue échéance, vers 2040, 2050, puisqu’un retour sur la Lune sera d’abord nécessaire", explique-t-il. "C’est aussi au niveau scientifique important de retourner sur la Lune pour mieux comprendre les origines de la formation de la Lune mais aussi de la Terre, puisqu’elles sont toutes les deux liées. Il reste encore des énigmes à ce niveau-là. Ensuite, c’est vraiment, technologiquement, pouvoir démontrer tout une série de nouveaux processus, notamment de pouvoir aller utiliser l’eau qui serait présente sous forme de glace dans certains cratères de la Lune au niveau du pôle Sud, qui ne sont jamais éclairés par le Soleil, en vue de produire notamment de l’oxygène et de l’hydrogène. L’oxygène est nécessaire bien sûr pour les astronautes pour pouvoir respirer, et l’hydrogène, combiné à l’oxygène, est un carburant pour les fusées. Donc, c’est vraiment en vue de prévoir des missions futures vers la planète Mars où il faudra être capable, en autonomie, de pouvoir produire sur place tout ce qu’il faut pour la survie des astronautes mais également les carburants pour les fusées."

 

1972-2022 : passé, présent, futur

Entre 1972 et aujourd’hui, énormément de choses ont changé, et notamment l’arrivée du tourisme spatial et des compagnies privées qui se sont lancées dans le business de l’espace, comme la société Space X d’Elon Musk, d’ailleurs retenue pour construire le vaisseau qui amènera les astronautes de l’orbite lunaire vers la Lune et vice-versa.

"Les missions Apollo, c’étaient des cow-boys", résume Emmanuel Jehin. "Ils ont été sur la Lune avec des moyens considérés aujourd’hui comme rudimentaires. Les ordinateurs de l’époque n’étaient même pas aussi puissants que nos téléphones portables aujourd’hui. Énormément de progrès ont été réalisés, ce qui va permettre – puisque l’objectif c’est vraiment de rester sur une base lunaire pendant un certain temps – des choses non envisagées dans le passé."

Le projet Artemis pèse plus de 35 milliards de dollars. L’enjeu est scientifique mais aussi géopolitique, puisque la compétition est rude avec les Chinois et les Russes dans l’espace, que ce soit sur Mars ou sur la Lune. Et l’homme ne serait pas ce qu’il est sans qu’il y voit également des enjeux économiques, puisque les réserves de matières premières sont très importantes sur la Lune, à savoir l’hélium 3, essentiel pour les réacteurs à fusion nucléaire du futur, ou les terres rares utiles à la fabrication de nouvelles technologies.

La Nasa a identifié 13 régions d’atterrissage proches du pôle Sud lunaire candidates pour Artemis III. Chaque région mesure 15 kilomètres carrés. Chacune de ces régions est située à moins de six degrés de latitude du pôle Sud lunaire et, collectivement,
La Nasa a identifié 13 régions d’atterrissage proches du pôle Sud lunaire candidates pour Artemis III. Chaque région mesure 15 kilomètres carrés. Chacune de ces régions est située à moins de six degrés de latitude du pôle Sud lunaire et, collectivement, © Nasa

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