Elles ont des difficultés relationnelles, sont souvent plus sensibles au bruit et à la lumière. Voilà quelques-unes des manifestations de l’autisme chez les femmes et les petites filles. Quand on parle d’enfant autiste, c’est souvent l’image d’un petit garçon qui nous vient en tête. C’est moins connu, mais les petites filles et les femmes peuvent elles aussi présenter un trouble du spectre autistique. Aujourd’hui encore, elles restent sous-diagnostiquées.
Philaé a six ans, un goût certain pour le rose et l’énergie de bien des petites filles de son âge. A première vue, rien ne la distingue des autres enfants. Pourtant, récemment, Philaé a été diagnostiquée autiste, tout comme son grand frère. Mais chez elle, cela se manifeste différemment.
"Elle va être plus sociable", estime Méla, sa maman. "Là où son frère va plus respecter son besoin d’être seul, elle va beaucoup se poser de questions sur comment fonctionnent les autres enfants, comment se faire des amis. Elle met beaucoup d’énergie à ça".
Méla, diagnostiquée à 33 ans : "ça aurait été un soulagement de le savoir plus tôt"
Ici, l’autisme est une affaire de famille. Comme ses deux enfants, Méla a été diagnostiquée autiste il y a quelques années, à l’âge de 33 ans. "Ça aurait été un soulagement de le savoir plus tôt", estime la trentenaire. "Il y a une différence très positive depuis que le diagnostic est posé puisque je peux mettre des choses en place pour que ma vie soit adaptée. Par exemple, j’ai des hypersensibilités sensorielles, surtout visuelles et auditives mais je n’en savais rien. Mon corps ne m’envoie pas l’information 'J’ai mal aux oreilles' ou 'j’ai mal aux yeux', mais il m’envoie l’information 'je suis triste' et j’avais des sautes d’humeur très fréquentes. Le fait aujourd’hui de porter des bouchons d’oreilles ou des lunettes de soleil fait que je ne suis plus en surcharge tout le temps et que je peux gérer les choses plus posément."
Aujourd’hui, c’est un soulagement pour Méla de pouvoir accompagner ses enfants dans leurs spécificités. "C’est super bien qu’on soit concernés tous les trois. Ça permet de chercher des témoignages et de s’écouter en sachant quelles sont nos particularités. Quand ils ont des soucis avec des copains copines, je peux les accompagner en sachant qu’il y a potentiellement des choses implicites qu’ils ne sont pas en mesure de comprendre."
Discrétion, mimétisme et camouflage pour les petites filles autistes
C’est au CRAL, au Centre de Ressources Autisme de Liège que Philaé et sa famille ont été diagnostiqués. Mais longtemps, les petites filles autistes étaient sous diagnostiquées. "Souvent dans l’enfance, le diagnostic est plus facilement posé chez les garçons, surtout lorsqu’ils ont un retard de développement", confirme Annick Jadot, pédopsychiatre au CRAL. "Les petites filles, qui ont de bonnes compétences intellectuelles vont beaucoup mieux arriver à masquer leurs difficultés, à les camoufler et donc à suivre un chemin beaucoup plus classique et en passant beaucoup plus inaperçues."
Ces petites filles ont aussi tendance à mieux se conformer à ce que la société attend d’elles. "Alors qu’un petit garçon peut passer des heures à s’amuser avec une roue ou avec des lettres, une petite fille va plutôt avoir tendance à jouer à la poupée, ce qui peut sembler tout à fait normal", illustre Christophe Barrea, neuropédiatre au CRAL. "Mais il faut observer l’aspect qualitatif du jeu. Typiquement, une petite fille autiste peut passer des heures à brosser les cheveux de sa poupée, mais on va moins être dans le jeu imaginatif ou élaboré."
"Beaucoup de femmes autistes ne se rendaient pas compte de leurs particularités"
Une discrétion et une aptitude à se fondre dans la masse qui explique que longtemps, les petites filles ont été sous diagnostiquées. Aujourd’hui, il n’est pas rare que des femmes adultes se découvrent autistes, parfois après qu’un de leurs enfants a été diagnostiqué. En effet, les connaissances scientifiques et l’information sur le sujet progressent. "On peut dire que l’intérêt pour les particularités de l’autisme chez les femmes est beaucoup plus marqué ces dernières années", estime le docteur Jadot. "Il y a beaucoup de femmes qui ne se rendaient pas compte que leurs particularités de fonctionnement étaient des particularités. Elles pensaient que c’était une certaine normalité et que tout le monde vivait les choses comme ça."