Chroniques Culture

Ces Belges à (re) découvrir : Chantal Akerman

Chantal Akerman (1950-2015)

© Capture d’écran Youtube

Par Romane Carmon

Il y a 6 ans, le cinéma moderne perdait une de ses figures de proue. Véritable cinéaste de l’intime, Chantal Akerman continue à marquer des générations d’amateur.trice.s et de professionnel.le.s du cinéma.

Trois mois passés à l’INSAS ont suffi à la jeune fille pour se lancer dans une carrière cinématographique. Née à Bruxelles en 1950, Chantal Akerman n’a que 18 ans lorsqu’elle signe son premier court-métrage, "Saute ma ville" (1968). Derrière et face caméra, elle raconte un suicide au gaz dans la cuisine familiale, un film qui marque le début d’une voie engagée et passionnée.

"Elle rompt les codes, la femme mécanisée par son quotidien est ici libérée par l’image" lit-on dans cet article Première.

"Saute ma ville" (1968)

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Une cinéaste belge sur la route

Chantal Akerman au Toronto International Film Festival pour "Demain, on déménage" (17/09/2004)

Malgré une présence récurrente de Bruxelles dans ses œuvres, Chantal Akerman aime avant tout être ailleurs. Sur la route entre Bruxelles, Paris et New York, elle part pour des tournages en Pologne, au Mexique et en Israël.

Cette soif de liberté la mène à New York, fin des années 60, où elle s’inspire du cinéma expérimental et croise la route de Michael Snow, de Jonas Mekas ou encore d’Andy Warhol.

La cinéaste – mais surtout artiste - défie les limites géographiques mais aussi de la forme : on lui doit notamment l’adaptation de "La Captive" de Proust et du roman de Joseph Conrad, "La Folie Almayer".

S’intéresser à l’inintéressant

Parmi ses 40 documentaires et de fictions, le deuxième long-métrage d’Akerman s’impose comme un film immense et fondateur. Sorti en 1975, "Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles" raconte l’histoire d’une mère juive bruxelloise. Enfermée dans sa routine de femme au foyer, Jeanne Dielman vend son corps aux hommes en fin de journée.

Trois heures vingt de film durant lesquelles la caméra suit l’enchaînement rituel des gestes du quotidien, mettant une fois de plus en exergue ce goût pour l’intime propre à la cinéaste.

Un cinéma marqué par une histoire familiale

Issue d’une famille d’émigrés polonais juifs, Chantal est la fille et petite-fille de rescapés des camps de concentration. Se définissant elle-même comme "la fille de la génération sacrifiée", elle s’empare de la caméra pour briser ce silence.

"Il n’y a rien à ressasser disait mon père, il n’y a rien à dire disait ma mère, et c’est sur ce rien que je travaille", lit-on dans cet article du Monde diplomatique.

"Sans modèle ni méthode, elle transforme le trou noir de son histoire en une prodigieuse capacité à habiter le temps". (Source : "Chantal Akerman (1950-2015) – Intérieur extérieur" sur France Culture).

Dans "Dis-moi" (1980), Chantal Akerman part à la rencontre de trois grands-mères juives immigrées touchées par la Shoah. Une tasse de thé à la main ou autour d’un morceau de tarte, la cinéaste recueille leurs souvenirs d’avant, pendant et d’après-guerre. Si elle maintient un rapport obsessionnel avec la destruction des Juifs d’Europe, Akerman cherche à sortir de l’affect et opte pour un dispositif simple, sans mise en scène.

La propre mère de Chantal Akerman incarne cette marque indélébile de la Shoah. Son dernier film, "No home movie" (2015), questionne les origines de l’artiste à travers le portrait de sa mère, avec qui elle s’entretient sur Skype.

Chantal Akerman livre son synopsis :

"Parce que ce film est avant tout un film sur ma mère, ma mère qui n’est plus.
Sur cette femme arrivée en Belgique en 1938 fuyant la Pologne, les pogroms et les exactions. Cette femme qu’on ne voit que dans son appartement. Un appartement à Bruxelles. Un film sur le monde qui bouge et que ma mère ne voit pas."

Peu de temps après la sortie du film, le 5 octobre 2015, la cinéaste belge se donne la mort à Paris. Elle laisse dernière elle des chefs-d’œuvre du septième art et reste aujourd’hui une influence importante pour bien des cinéastes.

En janvier 2021, la Cinetek rendait hommage à l’artiste en proposant 10 de ces films en ligne. Aujourd'hui, Avila propose une plusieurs des films d'Akerman dans sa collection en ligne sur son site WEB

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