"Cela arrive presque tous les jours" : le harcèlement de rue reste fort présent en Belgique

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Par Lavinia Rotili

Plan International, qui coordonne le programme Safer Cities, actif dans le domaine de la prévention contre le harcèlement sexuel en ville, vient de sortir les résultats d’une enquête. Publiée dans Le Soir ce lundi, celle-ci montre que les femmes sont plus souvent victimes du phénomène, et pointe quels sont les espaces les moins sécurisants dans les villes belges.

Réalisée en 2019 et analysée avec l’institut Dedicated, l’étude se base sur un sondage mené auprès de 700 personnes âgées entre 15 et 24 ans entre Anvers, Bruxelles et Charleroi.

Parmi les premiers constats dressés par l’étude : le fait que le harcèlement de rue concerne d’abord les filles. Sur la totalité des répondantes et des répondants, ce sont 91% des filles interrogées qui affirment avoir déjà subi du harcèlement de rue contre 28% des garçons.

L’étude menée a également permis de tirer un premier bilan de la plateforme Safer Cities, gérée par Plan International. L’objectif de la plateforme est de permettre aux jeunes d’identifier et partager en ligne les lieux publics qui les mettent mal à l’aise, les font se sentir effrayés ou en sécurité. L’objectif, estime l’association, est de pouvoir cibler davantage les problématiques de terrain. En mai 2021, la plateforme comptait déjà plus de 2975 signalements.


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Le moment de la journée compte peu en matière de harcèlement

"Cela arrive presque tous les jours, peu importe si c’est le jour ou la nuit, si je suis seule ou avec des copines, le lieu n’a pas d’importance non plus. Ça arrive partout", témoigne une utilisatrice anversoise de 21 ans.

Analysant la situation à Anvers, Bruxelles et Charleroi, il résulte que dans toutes les villes, le moment de la journée le plus dangereux est le soir. Il est pourtant assez interpellant de lire que dans les trois villes, "38% des signalements montrent que le harcèlement se passe tout le temps ou que le moment de la journée importe peu", note le rapport.

Quant aux endroits considérés les plus susceptibles d’affecter la sécurité en matière de harcèlement de rue, quatre sont à pointer : la rue (plus de 29% des signalements), les lieux de loisirs (16% des signalements) et les transports publics (14% des signalements). Plus d’un signalement sur 10 a également lieu sur le chemin de l’école.


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Lorsqu’on parle de harcèlement de rue, par ailleurs, on entend aussi plusieurs types d’actes différents : par exemple, 4 filles sur 5 ont indiqué avoir déjà été victimes de sifflements et de commentaires sexistes ; plus d’une fille sur trois a déjà subi des attouchements non consentis. Bien que les sifflements, les regards insistants et les remarques sur l’apparence soient les formes de harcèlement les plus fréquentes, d’autres comportements de ce genre ont été mis en avant par l’étude.

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Un sujet tabou, difficile à aborder

Le harcèlement sexuel reste souvent un tabou au sein de la société. L’étude le confirme également pour la Belgique : moins d’un jeune sur deux ose en parler à ses amis et seulement un sur cinq décide de se confier à un membre de la famille.

Ce tabou entraîne également des conséquences sur le suivi psychologique des victimes. Parmi les personnes interrogées, seulement 7% d’entre elles font appel à un psychologue et 6% font appel à la police pour dénoncer les faits. Bien qu’ils et elles soient nombreux à considérer que le rôle de la police est important (1 jeune sur 5), dans la pratique, peu de personnes franchissent le pas.


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Certains, d’ailleurs, estiment que les forces de l’ordre n’interviennent pas pour des faits peu graves : "La police ne se bougera pas s’il n’y a 'que' des sifflements, regards, remarques, etc.", affirme une Bruxelloise de 20 ans, utilisatrice de la plateforme.

"En conséquence, la politique visant à lutter contre le harcèlement sexuel est uniquement construite sur une fraction des faits réels", analyse le rapport.

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1 fille sur 2 indique que le harcèlement sexuel a un impact fondamental sur sa liberté de mouvement

Suite à l’étude, Plan International a voulu interroger des spécialistes et organiser des "focus" par ville. Au total, plus de 15 experts de tout horizon ont été interrogés. L’analyse de ces entretiens, de manière conjointe avec les résultats du sondage, souligne qu’une personne sur deux ayant effectué un signalement sur la plateforme considère que le harcèlement de rue a un impact sur la liberté de mouvement.

25% des répondants estiment que ces phénomènes arrivent tellement souvent qu’ils n’y font même plus attention.


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Chez d’autres, la crainte du harcèlement de rue se traduit par d’autres stratégies : certaines filles ne se rendent pas toutes seules à certains endroits. D’autres, ne s’y rendent pas du tout. Une Bruxelloise de 23 ans, elle aussi utilisatrice de la plateforme, confiait son ressenti : "Ça m’arrive souvent et en tant que femme, profiter de la nature ou lire un bon livre dans un parc, c’est compliqué. Ça craint ! J’aimerais pouvoir ne pas me sentir comme si j’étais enfermée dans ma chambre ! J’ai aussi le droit d’avoir accès à la nature et d’être tranquille "

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Que faire si je suis témoin de harcèlement de rue ?

L’association met en avant le rôle que peuvent jouer les passants en cas de harcèlement de rue. A ce stade, le constat de l’étude est que presque la moitié des jeunes (46%) n’interviennent pas parce qu’ils ne sauraient pas comment réagir.

35% d’entre eux craignent d’être eux aussi victimes de l’agresseur. Le constat est quelque peu désolant : 97% et 91% des victimes à Anvers et à Charleroi n’ont pas été aidées. Une note positive cependant à Bruxelles : ici, 30% des victimes ont affirmé avoir été aidées par un témoin. Selon l’étude, les opérations de sensibilisations menées dans la Capitale pourraient avoir joué un rôle.

Si les problèmes pointés sont nombreux, Plan International essaie également de donner quelques pistes de solution. Il les appelle "les quatre D" du Bystander. Les voici :

  1. Agir directement : intervenir signifie condamner le geste et faire comprendre qu’il est inacceptable
  2. Distraire : commencer à parler à la personne harcelée permet de couper la parole au harceleur.
  3. Déléguer : si possible, l’aide d’autres personnes est la bienvenue.
  4. Donner du soutien : aider une personne en difficulté signifie également rester près de celle-ci lorsque le harceleur sera parti. Accompagner et soutenir la victime reste donc fondamental.

De manière plus générale, l’association promeut une réflexion constante sur les solutions de plus long terme pour lutter contre le harcèlement de rue. Pour ce faire, il mène plusieurs actions tant au niveau international que local, en travaillant avec des associations de jeunes.


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Au niveau international, il ressort, parmi les solutions possibles, la sensibilisation et l’éducation aux enjeux du harcèlement de rue. Parmi les idées plus innovantes figure la création de zones pour expliquer comment réagir face au harcèlement en tant que témoin et la création d’un numéro d’urgence visant spécifiquement le harcèlement sexuel dans les transports publics.

Parmi ces solutions, les "marches exploratoires", qui permettent aux jeunes, accompagnés d’autorités politiques locales, d’identifier les lieux et surtout les facteurs de sécurité.

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