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"Ce que je sais de toi" d’Éric Chacour : récit touchant et délicat d’une amitié qui dérange dans l’Égypte des années 80

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Par Nadine Wergifosse via

Le Caire, dans les années 1980 : la vie bien rangée de Tarek, chrétien et jeune médecin ayant repris le cabinet médical de son père, est devenue un carcan. Il ouvre un dispensaire dans le quartier défavorisé du Moqattam où il rencontre Ali, avec qui il va nouer une surprenante amitié. La route toute tracée de Tarek va être balayée par un vent de liberté qui va ébranler ses certitudes et bouleverser sa vie. Ce que je sais de toi, premier roman d’Éric Chacour, prix Première Plume 2023, a pour thème principal, la liberté de choisir sa vie. Il était l’invité d’Entrez sans Frapper sur La Première.

Devenir adulte, se rendre compte de ce qui nous différencie

La vie commence-t-elle quand on commence à désobéir à ce que l’on avait prévu pour nous ?

"Je n’ai pas forcément la réponse. Je pense que l’enfance, c’est une attente" répond l’auteur. "On vit dans le moment présent et on ne se projette pas beaucoup. Puis à un moment on voit les adultes autour de soi qui évoluent et cela nous semble séduisant. […] Je me suis rendu compte que beaucoup d’adultes ne sont souvent que des enfants qui ont passé l’âge d’être administrativement des enfants, mais qu’ils restent des enfants hantés par les mêmes combats intérieurs. […]" raconte Éric Chacour, né à Montréal, de parents égyptiens.

Il poursuit : "À l’adolescence, on a envie d’être comme les autres […] On déteste ce qui nous différencie d’eux. Puis arrive un âge où l’on se rend compte que ce sont ces différences qui sont les plus intéressantes. Ça finit par être ce que l’on préfère de soi-même. C’est peut-être ce moment-là où l’on commence à devenir adulte, mais il peut très bien ne jamais arriver dans une vie".

Une histoire d’amour qui n’est pas acceptée par tous

Dans le quartier défavorisé du Moqattam, Tarek reçoit les gens pauvres qui font la file devant son cabinet pour être soignés. Il rencontre un habitant du lieu, Ali dont la mère est malade.

"Tarek et Ali sont distanciés par le milieu social, par le contexte familial, par le métier, la religion aussi, […] Ali est un garçon qui est très libre, qui ne perçoit pas le monde à travers les mêmes contraintes que Tarek. […] Il rencontre peut-être celui qu’il aurait pu être s’il avait eu moins de conditionnements et allez savoir, plus de courage" relate Éric Chacour, diplômé en économie appliquée ainsi qu’en relations internationales. Il travaille actuellement dans le secteur de la finance.

Le roman se déroule dans les années 80 en Égypte, où comme l’indique Éric Chacour, l’on assiste au retour des Égyptiens partis travaillé en Arabie saoudite et qui reviennent avec un rigorisme religieux qui n’existait pas à ce moment-là.

"La famille de Tarek est chrétienne et n’accueille pas avec enthousiasme la relation qui va se nouer entre les deux. J’avais envie de cette toile de fond pour raconter mon récit. […] Elle sert avant tout à mettre en valeur une histoire d’êtres humains : amour, trahison, famille, conditionnements sociaux, questionnements de soi… Des choses universelles" confie l’écrivain couronné par le Prix Plume 2023.

On vient tous sur terre pour mourir un jour et peut-être avant, faire quelques jolies choses.

Extrait de "Ce que je sais de toi"

En lien avec cette citation, Eric Chacour conclut : "Je pense que l’essentiel se résume à ça. Faire quelques jolies choses, c’est utiliser son talent et le cultiver. On a tous des talents, on a tous un moment à travers le regard de ses parents, de ses professeurs, de soi-même aussi, vu que l’on était capable de faire des choses qui nous différencient des autres. Je pense que c’est important de les utiliser. Votre illustre concitoyen Jacques Brel disait que le talent, c’est l’envie. Je pense que ce serait terrible de laisser en jachère son talent, de ne jamais l’exploiter et de mourir sans envie. Donc voilà, si on arrive à faire deux ou trois jolies choses avant de mourir, ce n’est pas complètement perdu".

► Découvrez l’entièreté de cette interview dans le podcast ci-dessus.

© GETTY IMAGES

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