Nous nous rendons place de l’Evêché à Tournai. Nous nous dirigeons vers le porche occidental de la cathédrale Notre-Dame de Tournai. Elle ne peut se dérober à notre regard. Au seuil de la porte, la majestueuse statuaire s’impose à nous. Une majesté en péril. Cet ensemble sculpté propose une centaine de personnages évoquant l’histoire de la cité des Cinq Clochers mais aussi celle des saintes écritures. Il y a encore moins d’un siècle, son état ne suscitait pas d’inquiétude mais la pollution s’est montrée particulièrement agressive avec ces statues pourtant huit fois centenaires. Francis, guide à la Ville de Tournai, nous raconte qu’il en a récemment fait la malheureuse expérience : " Je me trouvais sous le porche avec un groupe et là surprise, je tombe sur un morceau de statues carrément tombé au sol. Je me suis dit quand même il fallait pousser un cri. Il faut dire aux dire aux gens qu’il est temps de s'en occuper, sans cela elles vont disparaître ! ". Et Francis de nous en faire la démonstration. Un simple effleurement d’index menace une partie de quelques centimètres, bien décidée à se séparer de son ensemble, meurtrissant ainsi un peu plus l’apôtre qu’elle composait.
Statut Unesco en péril ?
Se pose dès lors cette question : le peu d’intérêt apparent pour le péril qu’encourent ces statues est-il de nature à remettre en question la protection que l’Unesco reconnaît depuis 2001 en tant que patrimoine mondial ? Une légère ascension nous conduit sur une plate-forme suspendue dans le ciel, un chantier installé à 80 mètres du sol. Au sommet du transept s’amoncellent des pierres de Tournai fraichement taillées, prêtes à remplacer leurs ainées victimes des siècles. Sur cette même plateforme nous rencontrons des artisans : des charpentiers, des tailleurs de pierre et Bertrand Evrard, architecte de la province de Hainaut, responsable de la rénovation en cours. Il apporte réponse à notre question : " Non ! La cathédrale est en chantier depuis 2005, elle le sera encore plusieurs années et les sommes engagées, plusieurs dizaines de millions doivent nous rassurer sur ce point ".
La Province de Hainaut au secours des prophètes
Retour au sol. Serge Hustache, député permanent nous y attend au pied du statuaire. Pour lui, il n’est pas abandonné par les pouvoirs publics : " Nous attendons les conclusions d’une étude qui nous dira quelle technique appliquer à la rénovation de ces statues. Nous partirons ensuite à la recherche des financements. On parle ici de montants situés entre 500.000 et 1.000.000 d’euros ! ". L’agenda devra également être resserré mais il demeure flou à ce stade. Nous quittons Tournai et son statuaire en péril lestés donc d’une inquiétude. Notre prochaine visite dans la cité devra-t-elle se contenter de constater l’irréparable outrage du temps ?
Alain Dremiere
