Le temps d'une histoire

Cannes : un Festival, un Palais, des Palmes… et des Belges.

Olivier Gourmet et les frères Dardenne à Cannes en 2002

© WireImage - Toni Anne Barson Archive - Getty Images

Par Gérald Decoster via

Du 17 au 28 mai 2022, le luxe et le glamour reviennent sur la Croisette, à l’occasion du Festival de Cannes. Dans " Le Temps d’une histoire ", Patrick Weber propose un documentaire " Cannes 1939 : le festival n’aura pas lieu ", de Julien Ouguergouz, à travers lequel est évoquée cette première édition avortée, qui devait se tenir du 1er au 20 septembre.

L’entrée en guerre de la France le 3 septembre, entraînera l’annulation pure et simple de la manifestation. Il faudra attendre le 20 septembre 1946 pour que débute officiellement le prestigieux Festival international du film de Cannes. L’écrivain Philippe Erlanger en dira :

C’était la première fête que s’offrait le monde dans une sorte d’ivresse, sous un soleil qui ne cessa de briller jusqu’à la mi-octobre.

Affiche du festival international du film, Cannes 1939.
Affiche du festival international du film, Cannes 1939. © Tous droits réservés.

" Avec des si, on mettrait Paris en bouteille "… cette expression convient à merveille au Festival de Cannes… Si l’édition de 1939 avait eu lieu, 2022 constituerait peut-être le 83e anniversaire des réjouissances cinématographiques… Mais voilà, l’ajournement permet cette année de célébrer une date anniversaire marquante : 75 ans !

Un Palais et une Palme…

Que serait Cannes sans son Palais des Festivals et sa Palme d’Or ? L’actuel Palais des festivals et des congrès de Cannes est bien marqué architecturalement par l’époque de sa construction, la charnière des années 1970 et 1980… On aime ou pas, à chacun sa sensibilité. Le " Bunker ", surnom accordé à la construction, accueille le Festival depuis 1983. En 2011, c’est une tout autre activité qu’il a abritée, celle du G20…

Le Palais des festivals et des congrès de Cannes, paré pour la cérémonie finale du Festival.
Le Palais des festivals et des congrès de Cannes, paré pour la cérémonie finale du Festival. © GettyImages.

Si la première édition a eu lieu au Casino municipal, en 1947, celui qui se nommera Palais Croisette ou encore Palais des Festivals, sera construit en un temps record, 4 mois, afin d’accueillir, de l’année même de son édification jusqu’en 1982, la manifestation qui deviendra rapidement le rassemblement cinématographique et culturel le plus médiatisé au monde.

Le Palais Croisette avait probablement plus de charme que l’actuel Palais des Festivals. L’édifice moderniste était l’œuvre du cannois Maurice Gridaine. Sa structure de béton armé était dissimulée sous de la pierre de taille, des marbres, du verre et du métal… Sa destruction a révolté bien des amoureux de l’architecture et du septième art…

Le Palais Croisette, Festival de Cannes 1979…
Le Palais Croisette, Festival de Cannes 1979… © GettyImages.

Outre le palais, il y a la Palme, synonyme de récompense cannoise ; Elle n’est pas si ancienne qu’on l’imagine… Jusqu’en 1954, le lauréat du " Grand Prix du Festival International du Film " se voit remettre une œuvre d’un artiste contemporain… C’est à la fin de cette année-là que plusieurs joailliers sont approchés afin de présenter un projet de " palme ", faisant allusion aux armoiries de la ville. C’est Lucienne Lazon, qui remporte le concours, son dessin deviendra un objet en trois dimensions, fixé à une sculpture en terre cuite de Gabriel-Sébastien Simonet.

C’est Delbert Mann qui remporte la première Palme d’Or pour son film " Marty "… Mais, à partir de 1964, et cela pour 10 ans, le Festival abandonne ce prestigieux emblème qui est revenu depuis déjà plusieurs années. Dans les années 1980-1990, son socle s’est transformé et, depuis 1998, c’est le joaillier suisse Chopard qui offre gracieusement le prestigieux trophée en or, fixé sur un diamant de cristal.

Les armoiries de la Ville de Cannes…
La Palme d’Or 1981, remportée par Andrzej Wajda pour "L’Homme de fer" : le trophée demeure celui créé par Lucienne Lazon et Gabriel-Sébastien Simonet…
Depuis 1998, c’est Chopard qui offre la Palme d’Or sur son socle en cristal.

Cannes et le cinéma belge…

Un peu de chauvinisme est toujours bienvenu. En 2021, c’est la coproduction franco-belge " Titane ", de Julia Ducournau qui a décroché la prestigieuse Palme. Ce long-métrage soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles narre l’étrange histoire d’une tueuse en série qui tombe enceinte d’une voiture !

Rétrospectivement, depuis les années 1990, le cinéma belge est souvent à l’honneur sur la Croisette ! On se souviendra de Laura Wandel avec " Un monde ", Prix Fipresci des critiques de cinéma internationaux dans la section " Un certain regard ", mettant à l’honneur des cinéastes émergents.

Au Festival, la Caméra d’Or est destinée à encourager des talents prometteurs. Parmi ceux-ci, il y a eu Jaco Van Dormael en 1991, pour " Toto le héros " qui, cinq ans plus tard a fait décrocher à Daniel Auteuil et Pascal Duquenne le prix d’interprétation masculine pour " Le Huitième jour "… En 2018, c’était au tour de Lukas Dhont de remporter la Caméra d’Or pour " Girl " qui, sélectionné dans la section " Un certain regard ", lui décernera aussi la " Queer Palm ".

Pascal Duquenne, Daniel Auteuil et Jaco Van Dormael en 1996 à Cannes pour "Le Huitième jour"…
Lukas Dhont et son acteur principal, Victor Polster, pour Girl, Cannes 2018.

Cette année, Lukas Dhont se retrouve en compétition pour " Close ", l’histoire de l’amitié fusionnelle entre Léo et Remi, 13 ans, une amitié qu’un événement inimaginable va briser… Parmi les acteurs, Émilie Dequenne, Prix d’interprétation féminine à Cannes en 1999, pour son rôle dans " Rosetta ", des frères Dardenne…

Justement, Luc et Jean-Pierre Dardenne… Eux aussi ont été sélectionnés cette année ! De cette façon, c’est l’ensemble de la Belgique qui est représenté. Et pour les deux frères, un " cocorico " supplémentaire : ils font partie des neuf réalisateurs qui ont déjà décroché deux fois la Palme d’Or ! Avec " Rosetta " d’abord, ensuite pour " L’Enfant ", en 2005.

Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Émilie Dequenne, Cannes 1999.
Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Émilie Dequenne, Cannes 1999. © GettyImages.

Pour cette 75e édition, le cinéma belge montre bien que le dicton "Jamais deux sans trois" est loin d'être innocent puisque le film "Les huit montagnes" de Félix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch est également en compétition ! Avec autant de production de chez nous, on peut se mettre à espérer une Palme d'Or belge... avec la possibilité que cette Palme soit une troisième récompense pour les frères Dardenne qui sont en compétition avec " Tori et Lokita ", une histoire bien actuelle se déroulant en Belgique, celle d’un jeune garçon et d’une adolescente, venus d’Afrique, grands amis face aux difficultés de l’exil… Croisons les doigts !

"Rosetta", 1999.
"L’Enfant", 2005.
Tori et Lokita, 2022, une image… peut-être une Palme d’Or ?

À voir, dans " Le temps d’une histoire ", vendredi 20 mai à 22h40 sur La Une, " Cannes 1939 : le festival n’aura pas lieu ", un documentaire de Julien Ouguergouz.

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