Pas un film de souvenirs ; il documente, certes, les années qui l’ont forgée comme écrivaine, mais décrit aussi une époque, celle des Trente glorieuses et la soif de vivre d’une génération en quête d’émancipation, de loisirs et de voyages.
Aujourd’hui lue et étudiée partout dans le monde, Annie Ernaux aura pourtant mis plusieurs années à s’émanciper de sa vie domestique pour écrire.
Je peux affirmer que ces dix années sont les années majeures dans ma vie parce qu’elles vont confirmer mon désir d’écrire. Et puis aussi parce que je vais gagner ma liberté. Une liberté que je souffrais de ne pas avoir, même si je pense que j’ai fait, moi, un mariage d’amour.
"Je pense que pour le spectateur, c’est peut-être un récit qui est nouveau, vraiment nouveau pour lui, de me voir et de m’entendre raconter des choses de mon intimité", poursuit-elle. Finalement, "c’est à la fois le récit de ma vie mais aussi celui de milliers de femmes qui ont elles aussi été en quête de liberté et d’émancipation".
Si plusieurs de ses livres ont été adaptés au cinéma, dont "L’événement", récit autobiographique sur l’avortement clandestin qu’elle a subi en 1964, qui a raflé le Lion d’or à la Mostra de Venise 2021, Annie Ernaux raconte ne pas être intéressée par ce médium. La raison ? "J’écris avec les images intérieures, les images de la mémoire. Le processus d’écriture pour le cinéma est très différent".
Au moment où le droit à l’avortement est remis en question aux Etats-Unis, que pense celle dont l’œuvre est traversée par ces questions ? "Je crois qu’on pouvait attendre cette vague conservatrice car quand les femmes prennent le pouvoir… ou plutôt quand leurs voix s’élèvent, les hommes sont solidaires entre eux", répond-elle. Et d’ajouter "qu’en France comme aux Etats-Unis, les femmes ne sont plus disposées à se laisser faire".
Véritable icône féministe pour plusieurs générations, Annie Ernaux confie simplement se sentir femme. "Une femme qui écrit, c’est tout". Son dernier livre "Le jeune homme" est paru début mai chez Gallimard.