Les cadavres
LA preuve principale du passage d’un loup, ce sont les cadavres qu’il laisse derrière lui. Des moutons, le plus souvent. Mais aussi des proies sauvages, beaucoup plus compliquées à détecter sauf en tombant dessus par hasard dans un bois. Mais ce n’est évidemment pas aussi simple. Lorsque des moutons gisent au sol dans la prairie d’un éleveur, le fautif est souvent un chien errant. Beaucoup l’ignorent, mais le " meilleur ami de l’homme " fait souvent beaucoup de dégâts quand il échappe à l’attention de son maître. Il est loin d’être le meilleur ami de tout le monde : "Je n’ai jamais vu de loup donc je pencherais pour un chien ! Des chiens qui tuent mes moutons j’en vois tout le temps. Un peu de trop d’ailleurs", nous a expliqué un éleveur après avoir retrouvé 3 moutons morts dans sa prairie.
Pour distinguer une attaque de loup de celle d’un chien, les enquêteurs envoyés sur place analysent la scène de crime : "Les empreintes de patte dans la boue, les poils laissés sur les clôtures mais aussi le type d’attaque nous permettent d’avoir une idée plus claire, détaille Jean Pêcheur, un agent du Département Nature et Forêt spécialement formé. Les loups auront tendance à vouloir aller vers le thorax de l’animal et consommer le cœur, les poumons, le foie qui sont riches en nutriment et aisés à consommer. C’est plus "décidé". Les chiens ont tendance à davantage jouer. C’est moins net mais ce n’est pas toujours une évidence".
Car certains loups sont plus "brouillons" que d’autres, comme des chiens. D’autres sont interrompus lors de l’attaque et laissent une scène de crime confuse. Et puis il y a une part d’inexplicable lié sans doute à la personnalité du loup, à son éducation. Alors, la seule façon d’en avoir le cœur net, c’est l’ADN. Lors de chaque attaque, des échantillons sont prélevés sur les blessures des cadavres. Ces écouvillons sont envoyés chez GéCoLab, un laboratoire de génétique de l’université de Liège où ils subissent une amplification PCR (oui, comme pour un test COVID). Si des brins d’ADN sont détectés en quantité suffisante, l’équipe va tenter de percer le premier mystère : "Pour qu’un éleveur soit indemnisé, nous devons avoir la certitude que le loup est bien le coupable. Si c’est bien le cas, nous pourrons aller plus loin, explique Lise-Marie Pigneur de chez GéCoLab. L’ADN, s’il n’est pas trop dégradé, pourra donc permettre d’identifier un individu, le sexe, la lignée d’origine (la lignée italo-alpine converge vers chez nous depuis la France et l’Italie, la lignée germano-polonaise vient de l’Est) mais aussi de relier le loup à sa mère, son cousin ou autre déjà détectés dans la base de données européenne ". Généralement, ces traces ADN laissées sur des cadavres un peu partout en Wallonie appartiennent à des loups dits "dispersants". Des animaux solitaires éjectés de leur meute parfois à des centaines de kilomètres. Ils recherchent un nouveau territoire pour s’installer définitivement comme le 6e loup wallon récemment officialisé du côté de Butgenbach et Bullange. Et là, d’autres outils de suivi sont mis en place.