"Ce projet BNP Paribas Fortis repose sur une démolition-reconstruction complète", développe Marion Alecian. "Ce projet est présenté comme plus urbain, mieux inscrit dans le paysage et qui condamnait deux tours qui n’étaient franchement pas appréciées par les Bruxellois et sans intérêt patrimonial. A l’époque de l’enquête publique, il y a eu peu de sorties contre ce projet parce que personne n’avait une affection par rapport au bâtiment à démolir. Cependant, aujourd’hui, on observe qu’il y a une crispation autour de ce nouveau siège, crispation légitime."
Un mur assez agressif
Légitime, selon l’Arau, parce que la promesse n’est pas au rendez-vous. "On observe une sorte de rideau, un nouveau mur érigé dans la rue qui est très différent du patrimoine qui l’entoure, entre autres le Palais des Beaux-Arts d’Horta. Il y a quelque chose qui jure et se distingue. C’est assez agressif, beaucoup plus même que le précédent bâtiment qu’il remplace."
"On nous promet", ajoute Marion Alecian, "un bâtiment avec une certaine fluidité et transparence. Puis, finalement quand on longe la rue, déjà depuis le Mont des Arts, on voit quelque chose qui détonne complètement avec ce mur blanc, assez vertical, même s’il est moins haut que le précédent. On pouvait essayer de deviner cela sur plans. Mais il y a une différence entre ce qui a été annoncé et ce qui a été construit. Il était aussi difficile de prendre conscience de ce décalage parce qu’on nous expliquait toutes les vertus environnementales du bâtiment. Cela a caché le reste. Ces vertus, il faut malgré tout les questionner. Entre autres, parce que le coût d’une démolition-reconstruction est très important en termes de pertes d’énergie grise, de déchets, de sous-traitance de ces déchets. Tout ce bilan carbone n’a pas été clairement présenté. C’est peut-être bénéfique sur le long terme vu les atouts avant-gardistes du projet. Mais cela devait-il justifier la démolition ? C’est plus complexe que cela."
A l’époque, lors de l’enquête publique, l’Arau ne s’est pas opposé à la démolition du précédent siège. "On ne connaissait pas bien sa valeur patrimoniale. C’était une balafre dans le paysage du centre-ville", un exemple de bruxellisation que l’Arau a combattu pendant des années.
"Ceci étant, aujourd’hui, on réfléchirait différemment tant au niveau de l’administration régionale et peut-être même des promoteurs. Il y a désormais une plus grande conscientisation sur l’impact d’une démolition-reconstruction dans le centre-ville."
Comment on en est arrivé là ?
Lors de l’érection du siège de BNP Paribas Fortis, les premiers commentaires se faisaient entendre. "On a eu pas mal de questionnements par rapport à la perspective avec Bozar. Même les administrations se posent les mêmes questions et se demandent comment on en est arrivé là. Le permis a quand même été délivré et est passé par ces mêmes administrations. Cela reste étonnant que le projet reçoive un prix pour ses différentes qualités environnementales et urbanistiques alors même qu’il est décrié en ce moment par les habitants, les administrations et les associations."
"Il y a une réflexion désormais qui vise à mesurer le pour et le contre, entre la situation actuelle et la situation projetée avec le critère du lien à partir d’une démolition-reconstruction en vue d’un meilleur contact avec la ville, les bâtiments proches, les habitants. Ici, ce qui est assez choquant quand on voit le nouveau siège, c’est qu’on a du mal à voir le lien qui est créé avec la ville quand on est face à cette façade. C’est un rideau sans contact avec l’extérieur."
Pourquoi, dès lors, ne pas avoir alerté, mobilisé, pétitionné, lors de l'enquête publique? Pourquoi venir après et étaler les critiques au grand jour? On l'a dit: peu s'émouvaient lors de la procédure de voir disparaître l'ancien siège.
"Malgré tout ce qu'on peut trouver comme défauts, il y a eu une enquête publique, on pouvait s'exprimer", reconnaît Marion Alecian. "C'est là qu'est la grande lacune dans les enquêtes publiques actuelles. Le projet n'a pas été bien exposé. Beaucoup ont découvert le rendu et l'impact sur la rue une fois le projet sorti de terre. Et je pense que c'est le cas aussi à l'administration et au niveau politique."