Evénements Classic 21

Bruce Springsteen nous a prouvé qu'il était toujours le Boss

© Benoit Bouchez

Par Dominique Ragheb via

Cette année, après les éditions de 2013 et 2016, le TW Classic offrait, une nouvelle fois, Bruce Springsteen en tête d’affiche avec en guise de prélude une programmation des plus attractives composée par de Triggerfinger, de Jack Johnson et de Simply Red.

C’est sous un ciel couvert nourri de quelques ondées passagères que le blues-rock du groupe belge Triggerfinger a ouvert le festival, laissant le temps au public de s’installer paisiblement et sans bousculade sur le site.

+7

C’est d’ailleurs dans une ambiance de pique-nique que l’hawaïen Jack Johnson a livré son set. Avec sa silhouette de surfeur faisant toujours corps avec sa musique chaloupée, un style qui, même pour les non-initiés, prend des allures d’invitation au voyage, Jack Johnson a joué ses incontournables. Des titres comme " If i had eyes " ou " Better together " ont, ce dimanche dans leur exécution, pris une dimension plus nerveuse, plus rock en comparaison avec les versions studio. Ce fut, pour cette fin d’après-midi, un excellent moment d’évasion et de découverte pour certains. Le groupe nous a même offert une improvisation vocale bien rythmée ayant pour thème…la Belgique. Des instants de petits bonheurs pas si simples.

+2

Après une pause Kiss cam, ce fut au tour de Simply Red de prendre le relais. Plus attendu, Mick Hucknall, chevelure de feu et barbe blanche de 3 jours, était accompagné de ses complices de longue date. Le groupe a démarré son concert en prenant le risque de jouer en ouverture deux extraits du dernier album " Time " publié fin mai ainsi que " Thrill me ", un single moins populaire tiré de  l'album " Stars " sorti en 1991. Avec ce choix, la magie n’a pas opéré tout de suite et une grande partie du public semblait indifférente à ce qui se passait sur scène jusqu’à ce il entonne " Holding back the years " repris en chœur par la foule. Profitant de ce moment de connexion avec les festivaliers, le chanteur a alors demandé que celle-ci reprenne avec lui un " Happy birthday " pour célébrer les 16 ans de sa fille Romy, une petite parenthèse sympathique et familiale.

En parfait maître de cérémonie, Mick Hucknall, avec le soutien sans faille de l’orchestre, a ensuite fait progresser le concert vers une dynamique plus funky en enchainant ses tubes : " Stars " " Money’s too tight (to mention) " (une reprise des Valentine Brothers), " Come to my aid " et un " Fairground " joué de manière organique et sans trop d’effets de synthétiseur. C’est au final devant un parterre aux anges, pris au jeu par le redoutable groove déployé par le groupe que Mick Hucknall a terminé son set en rendant hommage à Tina Turner en interprétant " Nutbush City Limits ". C’est sur cette reprise que tout le monde s’est accordé pour saluer l’extraordinaire talent du chanteur aussi à l’aise dans un registre soul que dans un style rock, parvenant à donner, à la surprise générale, à son timbre un grain légèrement éraillé se mariant merveilleusement avec le genre. La grande classe sans détour. 

+4

Parce que chaque concert de Bruce Springsteen est une expérience unique, c’est sous la clameur des plus de 80 000 personnes réunis sur le site de Werchter que le E-Street Band est entré en scène sur le coup des 22 heures tapantes. Sans effets de sons et de lumières, les membres historiques du groupe ont salué le public avant de laisser la place au Boss qui, sourire en bais, guitare en bandoulière, s’est approché, dégaine assurée, du micro sur pied et a lancé son puissant "1,2,3, 4 !!!" entré au panthéon du rock depuis des décennies.

Démarrant au quart de tour sur " No surrender ", chanson évocatrice du lien très fort qui peut exister entre musiciens en l’enchaînant à " Ghosts ", titre écrit à la mémoire de Danni Federici et Clarence Clemons, deux anciens membres du E-Street Band trop tôt disparus, on saisit très vite que la setlist aura, l’air de rien, comme fil conducteur les thèmes de l’amitié, du souvenir et de la mort de nos proches. Et lorsque on évoque l’amitié, on a pu remarquer cette complicité, solide comme un roc, entre lui et l’ensemble de son orchestre composé d’une vingtaine de musiciens. Dès le premier morceau, le fidèle Steven Van Zandt a d’ailleurs rejoint le boss derrière le micro pour un tandem guitares/voix qu'ils réitéreront régulièrement tout au long de la soirée.

Avec " Prove it all night "  tiré de l’album de 1978 “Darkness on the edge of town” (qui fut au passage largement exploré pendant le concert avec notamment une version épique de " Badlands "), on a pu retrouver avec frissons la griffe vocale du Boss, même si par instant une légère faiblesse pouvait être perceptible (une faiblesse vite oubliée lorsqu’il est parvenu sur certains airs à monter divinement dans les aigus).

Alors en mettant en balance le tout, avec ses 73 ans au compteur, on ne pouvait être qu’admiratif devant un artiste qui n’a jamais quitté la scène sur les plus de 2h30 de concert et qui a joué en affichant un réel plaisir de ne faire qu’un avec son public. Car oui, Springsteen est resté le Boss. Le Boss car il a gardé cette maestria à maitriser parfaitement le tempo tant avec son groupe qu’avec l’ensemble des festivaliers suivant sa baguette " magique " devenant parfois choriste, parfois soutiens sur les refrains les plus connus, notament sur " Because the night ". Cette communion ne fut pas seulement ressentie sur ses classiques mais aussi sur sa reprise poignante du " Nightshift " des Commodores, donnant un petit parfum soul à cette soirée qui fut Rock’n’roll à plus d’un titre, Bruce Springsteen évoquant à plusieurs reprise " l’esprit rock’n’roll ".

Il nous a par ailleurs fait voyager dans le temps en remontant précisément au presque début du rock’n’roll. En grand conteur qu’il demeure, il nous a raconté sa jeunesse lorsqu’en 1965 avec des camarades de classe, il a joué pour la première fois dans un groupe, le début d’une incroyable aventure. De ses premières répétitions, il ne reste aujourd’hui que Bruce, ses amis ayant quitté ce monde, emporté par la maladie. Vrai moment d’émotion, visible sur le visage du Boss, qui à la mémoire de ses copains d’alors a entonné en acoustique " Last man standing "… Frissons et silence respectueux de la part du public.

Le Boss a su préserver cette force de pouvoir passer de la puissance à la fragilité en étant capable de " chuchoter " face à une foule aussi impressionnante qu'impressionnée. Si beaucoup de titres choisis étaient imprégnés par l’intime, Springsteen n’a pas oublié d’exprimer ses réflexions sur cette Amérique qu’il observe et décrit depuis un demi-siècle. Avec " The rising ", " Wercking ball " (décrivant la dureté du monde ouvrier) ou le chef d’œuvre " The river " avec ses notes d’harmonica diluées dans la nuit par son auteur, on ne pouvait qu'avoir la sensation de tourner les pages d’un livre sur l’histoire contemporaine du pays de l’Oncle Sam.

Ce dimanche en terminant un show libéré de tout artifice vidéo, en libérant comme une déflagration ses monuments que sont " Born in the USA ", " Born to run " ou " Glory days ", ce n’était pas seulement un grand artiste qui s’est présenté devant nous mais aussi un ambassadeur d’une Amérique multiculturelle, tolérante où les lendemains peuvent encore être portés par l’espoir d’une vie meilleure possible grâce à l’ " American dream ".

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