La vie du bon côté

Briser la loi du silence autour des mariages forcés

Par Edith Vallée via

Journaliste et femme politique belge, Fatiha Saidi a endossé de nombreuses casquettes dans son parcours professionnel. Dans ce podcast, cette militante féministe et ancienne parlementaire nous parle de son livre grandement inspiré de son parcours personnel : " Par les liens forcés du mariage : la mécanique insidieuse des mariages forcés " aux Ed. La boîte de Pandore.

Dans cet ouvrage, Fatiha Saïdi livre un témoignage poignant sur sa propre expérience en tant que victime d’un mariage forcé, coincée entre deux cultures, et son combat pour sortir du piège dans lequel elle s’était renfermée jeune sous la pression familiale, faute d’une parfaite connaissance de sa culture d’origine.

De femme encagée à femme engagée

Les mariages forcés sont toujours là. Parler de cette problématique s’est imposée à elle, comme un devoir. Sans pour autant être une porte-parole, elle l’a écrit pour toutes les femmes qui se trouvent dans cette situation et qui n’osent pas en parler, espérant que beaucoup d’entre elles se reconnaîtront dans l’histoire d’Amal. Elle espère ainsi avoir brisé le silence.

L’importance du poids des traditions

La pratique des mariages forcés s’inscrit dans des traditions culturelles et n’a rien à voir avec les religions. Il n’y a pas de mariage forcé dans la religion musulmane, c’est vraiment une tradition culturelle. Or, on fait passer cette tradition, qui continue de broyer des milliers de femmes, comme un prescrit religieux alors que ce n’est pas le cas. C’est le poids d’un patriarcat qui pèse très lourd sur le dos des femmes et elles n’arrivent pas à en sortir, encore aujourd’hui.

Ni la religion musulmane, ni la tradition marocaine ne disent qu’il faut marier de force les femmes. - Fatiha Saïdi

Ce sont surtout les femmes qui sont les gardiennes du temple, de l’honneur. Dans son livre, Amal est entourée de femmes bienveillantes qui ne lui veulent pas de mal mais qui sont engluées dans les traditions, qui les perpétuent par amour et ne les remettent pas en question. Parce que c’est comme ça.

Il n’est pas question de rester uniquement bloquée sur la question des mariages forcés, mais s’interroger également sur les droits des femmes et sur toutes les chapes qui pèsent sur elles. Il y a des réalités communes, même dans les sociétés occidentales où le poids des traditions, le patriarcat, la domination masculine et l’égalité des genres restent problématiques. Elle a voulu contextualiser le propos et expliquer de la façon la plus rigoureuse et la plus honnête possible comment des femmes qui ont vécu de grandes souffrances arrivent à perpétuer ces souffrances, cette violence.

Est-ce que beaucoup de femmes sont concernées par ces mariages forcés en Belgique ?

Si la Belgique a décidé de mettre la thématique des mariages forcés dans le Plan National contre les Violences Conjugales, c’est qu’il y a une raison. Des professeure-s voient des filles disparaître des écoles mais ce n’est pas facile de les recenser, tout comme ce n’est pas facile d’en parler. Il n’y a pas beaucoup de jeunes femmes qui osent porter plainte et risquer la rupture radicale avec la famille, car c’est très dur.

Quelle est la solution pour remédier à un mariage forcé ?

Il faudrait faire en sorte de ne pas arriver au mariage forcé notamment par la sensibilisation à la vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS). Il faut montrer aux jeunes qu’une vie amoureuse se construit dans l’équilibre et l’égalité. Les parents n’ont pas le droit d’obliger leur enfant à se marier ou de choisir la personne qu'il (elle) doit épouser.
Les maisons de jeunes, les instances culturelles ont un devoir de sensibilisation des jeunes à l’égalité, à leur dire qu’elles(ils) sont des êtres libres dans une relation égalitaire, sans être dans un schéma de rapport dominant/dominé.

Que pensent les parents de Fatiha Saïdi de la vie qu'elle a menée ?

Fatiha précise que ses parents sont toujours de ce monde et qu’elle n’aurait jamais écrit ce livre s’ils ne l'étaient plus, car elle aurait eu le sentiment de leur régler des comptes à titre posthume.
Ses parents sont fiers d’elle, de la femme qu’elle est, mais éprouvent tout de même des regrets par rapport à ce mariage forcé qui l’a brisée dans ses élans. Elle a tout de même perdu 11 années de sa vie !

Le livre : " Par les liens forcés du mariage : la mécanique insidieuse des mariages forcés "

Par les liens forcés du mariage

Des centaines de jeunes filles continuent, chaque année, tant dans notre pays que dans d’autres, d’être liées à un homme contre leur gré au nom de la tradition ou d’une image figée du rôle de l’épouse.

Pratique très ancienne, considérée aujourd’hui comme une atteinte aux droits humains par les Nations unies, le mariage forcé est l’union d’une personne à une autre contre sa volonté, le plus souvent avant l’âge de 18 ans.

L’auteure de ce livre, devenue femme politique, a elle aussi, enfant, nourri de beaux rêves, comme des millions de filles de son âge. Elle s’imaginait faire des études, exercer un beau métier, vivre une vie amoureuse avec un homme qui partagerait ses idéaux. Mais ceux-ci seront brisés par des traditions qu’elle désapprouve. Prise dans le piège d’un mariage forcé, épuisée par des manipulations diverses et culpabilisantes, elle va de guerre lasse s’y soumettre, après une promesse mensongère " de pouvoir retourner au lycée et de passer son bac ". Elle ne passera pas son bac.

Au-delà d’un témoignage étayé à l’écriture brûlante, Fatiha Saidi, avec ce livre, dresse un constat, celui de la persistance d’un modèle archaïque qui a troqué sa phase de violence physique contre celle, plus insidieuse, de la manipulation mentale.

Amal est une jeune fille de 18 ans issue de l’immigration marocaine, arrivée toute petite en Belgique avec ses parents et qui, malgré une scolarité exemplaire, sera obligée d’abandonner l’école et de se marier avec un parfait inconnu. Elle verra ainsi ses rêves brisés par la tradition qui veut qu’une fille ne choisisse pas et doit faire " comme ça ", sans pouvoir remettre en question cette pratique au risque de déshonorer sa famille et craindre d’être maudite. Elle vit une profonde frustration affective, professionnelle, culturelle et intellectuelle dans la vie qu’elle mène. Tout son combat sera désormais de pouvoir récupérer tous les droits dont on l’a amputée le jour où on l’a mariée à un homme qu’elle ne connaissait pas. Elle sera aidée pour cela par Jean, un ami imaginaire, une voix intérieure qui vient la hanter toutes les nuits, l’engueuler, l’encourager et qui l’oblige à le revoir pour accéder à la liberté. Pour Amal, rien n’est impossible !

Fatiha Saïdi

Fatiha Saïdi

Fatiha Saïdi, née le 19 mars 1961 à Oran (Algérie) dans une famille marocaine originaire du Rif, est une femme politique belge.

Titulaire d’un Master en psychopédagogie, elle occupe depuis de nombreuses années des fonctions sociales et politiques. De 1999 à 2018, elle a été Députée, Sénatrice, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et Adjointe au Maire. Féministe et engagée, elle s’investit sans relâche dans les thématiques liées à l’égalité, aux droits humains et au devoir de mémoire.

Envie d’en savoir plus ? Ecoutez notre podcast sur AUVIO

 

 

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Sylvie Honoré

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