Vivre vite pourrait se résumer à une litanie de 'si', une cascade d’événements impromptus (la moto était celle stockée par son frère dans le garage, pas celle de Claude) qui se traduit, 20 ans plus tard, par un exercice de déculpabilisation pour l’auteure.
"J’émets tout un tas d’hypothèses qui regardent de très prêt comment chacun de ces petits chapitres, qui sont autant de pièces du puzzle, auraient pu se dérouler autrement, parce que je me suis rendu compte très vite que les journées, semaines et mois qui ont précédé l’événement, rien ne s’est passé comme prévu" confie Brigitte Giraud. "Il y a eu une suite de dérèglements, de coïncidences bizarres, de hasards assez surprenants. Tout de suite je me suis dit qu’il fallait que je fasse un point, que je mène une enquête, pour essayer de voir si finalement le destin existe. C’est un livre qui pose la question du mektoub, ce mot arabe qui veut dire 'c’était écrit' : est-ce que quelque part c’était écrit ou y avait-il des lignes de fuites pour que l’accident n’ait pas lieu ?".
23 hypothèses posées précisément par la lauréate du Goncourt 2022 qu’elle justifie : "Il s’agissait d’un accident qui n’a pas de raison apparente. Ce qui fait que quand il n’y a pas de sens, le cerveau humain ne supporte pas. Il a besoin de mettre du sens là où hélas il n’y en a pas. Donc très vite j’ai su qu’il me faudrait écrire un jour un livre qui essayerait de chercher la vérité, de mener une enquête à la fois intime, sociologique, historique, politique, au sens du collectif. Mais il fallait que je puisse prendre le temps parce qu’il fallait que je sois à la hauteur d’écrire ce projet […] que j’ose laisser ces différentes vérités émerger. Ce n’est pas rien de se confronter à la vérité, que ce soit la sienne, de ses proches, d’une époque ou d’une société. Il fallait que je sois à la hauteur de cet homme puisque je me rends compte aujourd’hui que j’ai écrit une histoire d’amour, ce n’était pas du tout le projet, mais finalement, je me rends compte que c’est un livre qui dessine aussi le portrait d’un homme. Tout cela était présent dans mon esprit deux trois ou quatre ans après l’accident, mais il a fallu que j’aie les épaules un peu larges pour le mener à bien, qui est probablement le livre de ma vie".