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Boris Nemtsov: des milliers de Russes rendent hommage à l'opposant tué

Boris Nemtsov: des milliers de Russes rendent hommage à l'opposant tué

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Par AFP

Plusieurs milliers de Russes ont commencé à se rassembler dimanche en début d'après-midi dans le centre de Moscou pour participer à une marche dans Moscou en hommage à Boris Nemtsov, l'opposant et ancien vice-Premier ministre russe assassiné près du Kremlin. Plus de 70 000 personnes, selon les organisateurs. 

"Nous estimons que plus de 70 000 personnes sont là", a déclaré à l'AFP Alexandre Rikline, l'un des organisateurs de la marche qui a été autorisée par les autorités. La police a fait pour sa part état de plus de 16 000 manifestants. Si les chiffres donnés par les organisateurs sont corrects, il s'agit de la plus grande mobilisation de l'opposition depuis la réélection de Vladimir Poutine en 2012.

Quelques heures avant d'être assassiné, M. Nemtsov, intervenant sur sur les ondes de la radio Echo de Moscou, avait appelé les Russes à manifester dimanche dans la capitale contre ce qu'il avait appelé "l'agression de Vladimir Poutine" en Ukraine. Cette manifestation a été annulée pour se transformer en marche à la mémoire de l'opposant.

"Il est mort pour l'avenir de la Russie" ou "Il s'est battu pour une Russie libre", pouvait-on lire sur les pancartes tenues par les manifestants à Moscou, selon des journalistes de l'AFP sur place. A Saint-Pétersbourg, la deuxième ville du pays, au moins 2500 personnes se sont également rassemblées pour honorer la mémoire de l'opposant.

"Nous avons donné notre accord pour cet événement", a déclaré à l'agence de presse Ria Novosti un responsable de la ville de Moscou, Alexeï Maïorov.

Pour rappel, une manifestation de grande ampleur contre l'ingérence de la Russie en Ukraine avait rassemblé quelque 20 000 personnes à Moscou en septembre dernier, selon une estimation de l'AFP.

Le président Poutine s'engage à tout faire pour châtier les assassins

L'émotion était grande samedi parmi les personnes venues rendre hommage à Boris Nemtsov. "Quand j'ai appris la nouvelle, je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit", raconte Valentina Dmitrieva. "Pour nous, les gens simples, c'est une énorme perte".

"Nemtsov était de ma génération, c'est comme si on m'avait aussi tiré dessus. C'est un coup fatal qu'on a porté sur la tête de toute notre démocratie, de tous nos espoirs", renchérit Alexandre Badiev, un retraité de 59 ans.

Le président Vladimir Poutine s'est engagé samedi à tout faire pour châtier les assassins de Nemtsov, dont le meurtre a choqué les dirigeants occidentaux et l'opposition en Russie, les alliés du Kremlin dénonçant une "provocation" visant à "déstabiliser le pays".

"Tout sera fait pour que les organisateurs et les exécutants de ce crime lâche et cynique reçoivent le châtiment qu'ils méritent", a affirmé M. Poutine dans un message de condoléances adressé à la mère de Boris Nemtsov.

Alors que la police était à la recherche du ou des assassins, plusieurs milliers de personnes ont déposé des fleurs et des bougies samedi sur le pont, à proximité des murs du Kremlin, où l'opposant de 55 ans a été tué la veille peu avant minuit alors qu'il se promenait à pied avec une jeune femme venue d'Ukraine et présentée comme sa compagne.

"Odieux assassinat"

Selon le Comité d’enquête de Moscou s'appuyant sur les premiers éléments disponibles, le meurtre de Boris Nemtsov, ancien vice-Premier ministre du président Boris Eltsine devenu un opposant radical à Vladimir Poutine, a été "minutieusement planifié".

"Vers 23h15, une voiture s'est approchée d'eux, quelqu'un a tiré des coups de feu, dont quatre l'ont touché dans le dos, causant sa mort", a déclaré la porte-parole du ministère de l'Intérieur, Elena Alexeeva, à la chaîne de télévision Rossiya 24.

Des images diffusées samedi soir sur la chaîne russe TVC et prises par une caméra de vidéosurveillance située à une grande distance du pont en hauteur montrent ce qui est présenté comme le déroulement de l'assassinat, malgré la piètre qualité des prises de vue.

Au moment du meurtre, M. Nemtsov et sa compagne se trouvent toutefois cachés par un engin de déneigement, dans l'angle de la caméra. On peut ensuite apercevoir un individu, présenté comme étant l'assassin, courir vers la chaussée avant de monter dans une voiture de couleur claire qui l'attendait et de quitter les lieux.

Les dirigeants occidentaux, dont le président américain Barack Obama, n'ont pas tardé à condamner samedi "le meurtre brutal" de l'opposant et à appeler à une enquête efficace.

Le président français François Hollande a dénoncé "un odieux assassinat". La chancelière allemande Angela Merkel a appelé M. Poutine à faire la lumière sur ce "meurtre lâche".

Boris Nemtsov "était un pont entre l'Ukraine et la Russie, et ce pont a été détruit par les coups de feu d'un assassin. Je pense que ce n'est pas par hasard", a réagi le président ukrainien Petro Porochenko.

L'ancienne dissidente et opposante au Kremlin Lioudmila Alexeeva a résumé le sentiment de ceux qui soutenaient Boris Nemtsov dans sa lutte contre les autorités: "C'est un épouvantable assassinat politique".

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est déclaré "choqué" et a condamné l'assassinat, selon son porte-parole.

"Cela a tous les signes d'un assassinat politique", a déclaré la ministre australienne des Affaires étrangères Julie Bishop, pour qui il s'agit d'une "tragédie pour la démocratie".

Toutes les pistes étudiées

Boris Nemtsov avait envisagé de demander l'asile politique en Lituanie en 2012, craignant des persécutions de la part du Kremlin, a déclaré samedi à l'AFP Andrius Kubilius, qui était à l'époque Premier ministre de cet Etat balte.

Du côté des alliés du Kremlin, l'accent était mis avant tout sur l'aspect "provocateur" de cet assassinat et les risques de déstabilisation de la Russie.

"Poutine a déclaré que cet assassinat brutal portait les marques d'un meurtre commandité et avait tout d'une provocation", avait immédiatement dit son porte-parole, Dmitri Peskov. "Manifestement, il faut que le sang coule pour que des troubles éclatent dans le centre de Moscou", a commenté le chef du Parti communiste Guennadi Ziouganov. Un autre responsable du parti, Ivan Melnikov, a estimé qu'il s'agissait d'une "provocation destinée à relancer l'hystérie antirusse à l'étranger".

L'ancien numéro un soviétique Mikhaïl Gorbatchev a déploré la mort de Boris Nemtsov, exprimant la crainte que les assassins ne soient pas arrêtés.

Plusieurs opposants ont été tués ces dernières années en Russie, notamment la militante des droits de l'homme Natalia Estemirova en Tchétchénie, l'avocat Stanislav Markelov et la journaliste Anastasia Babourova à Moscou, de même que la journaliste Anna Politkovskaïa. Les exécutants ont parfois été arrêtés et condamnés, mais pas les commanditaires.

Les autorités ont annoncé étudier toutes les pistes: le crime politique comme la piste islamiste, Boris Nemtsov ayant reçu des menaces à la suite de son soutien au journal satirique français Charlie Hebdo, et la piste d'un assassinat lié au conflit ukrainien.

Des sources policières anonymes citées par les agences de presse russes ont évoqué une éventuelle piste d'ultra-nationalistes d'extrême droite.

Dans une interview accordée début février au site internet Sobessedniki.ru, l'opposant avouait craindre "un peu" pour sa vie en raison de ses prises de position contre Vladimir Poutine.

RTBF avec AFP

Manifestation en Russie

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