Belgique

Bonus de pensions : illégaux pour les fonctionnaires, donc illégaux pour les présidents de la Chambre ?

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La question de la légalité des sommes perçues par deux anciens présidents de la Chambre, Herman De Croo et Siegfried Bracke, comme pensions supplémentaires, continue d’animer les débats politiques.

Le PTB relance la machine ce samedi après avoir eu accès aux comptes rendus de différentes réunions des instances du parlement. Le point de départ de cette affaire, c’est la découverte d’un mécanisme d’octroi de "bonus de pensions" aux fonctionnaires généraux du parlement, mécanisme que les services juridiques de la Chambre viennent de repérer et qu’ils ont considéré comme illégal.

A présent, un "nouveau" document refait surface. Il met en évidence que le mécanisme d’octroi de ce "bonus de pensions" aux fonctionnaires généraux s’est construit, en 1998, "par analogie à la réglementation pour les anciens présidents de la Chambre".

Une question peut donc se poser. Si ces primes pour les fonctionnaires sont désormais jugées illégales, sur base d’une note des services de la Chambre, "pourquoi le même raisonnement ne s’applique-t-il pas aux politiques, et donc aux présidents de la Chambre ?" s’interroge ce samedi Sofie Merckx, cheffe de groupe PTB. "Ces sommes sont aussi illégales, affirme-t-elle, et toutes les actions juridiques doivent être entreprises pour les récupérer."

Ce qui a fait bondir les députés du PTB, c’est la sortie ce week-end de l’ex-président de la Chambre, Herman De Croo. Dans une interview au journal flamand Het Laatste Nieuws, il a expliqué qu’il allait reverser les indemnités perçues à la Fondation contre le cancer. Toujours dans cette interview, il insiste sur le fait ces bonus "étaient légaux". "C’est le Trésor public qui pourrait récupérer ces sommes", estime aujourd’hui Sofie Merckx. "On demande que les présidents de la Chambre soient traités de la même façon que les fonctionnaires. Il faut une étude juridique sur l’indemnité versée aux présidents d’assemblée et voir jusqu’où on peut retourner dans les versements, et qui a pu en bénéficier par le passé également", poursuit la députée PTB.

En 1998, la « rente » est renommée « indemnité » pour tenir compte de la législation sur le plafonnement des pensions

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Le document qui fait surface aujourd’hui et dont notre rédaction a pu prendre connaissance est un compte rendu d’une réunion du collège des questeurs de la Chambre du 3 mars 1998. On y lit que le mécanisme de bonus pension, appelé "rente" à l’époque a été instauré en 1971, en s’inspirant de ce qui se faisait au Sénat. En 1981, le constat est fait que cette rente doit être fortement réduite en raison des dispositions légales en matière de cumul des pensions qui sont d’application pour les rentes des anciens présidents de la Chambre.

Le système de "rente" existait au Sénat, sous un autre nom

En 1988, les questeurs de la Chambre ont la volonté que le traitement soit le même, que l’on soit à la Chambre ou au Sénat. En effet, les anciens présidents du Sénat continuaient de toucher un complément à leur retraite. Mais au Sénat, on avait été plus malin dès le début : en 1971, on n’avait pas appelé ce complément "rente", mais "indemnité pour frais de représentation". Les anciens présidents du Sénat percevaient donc leur bonus sans aller à l’encontre de la législation sur le cumul des pensions.

Le Collège des questeurs de la Chambre, en mars 1998, décide donc de réactiver le "bonus" aux présidents de la Chambre et, inspiré par le Sénat, de le renommer. La "rente", devient une "indemnité de départ spécifique" et les conditions d’octroi sont précisées : avoir exercé le mandat de président de la Chambre durant au moins 2 ans, avoir plus de 60 ans, ne plus être membre d’une assemblée du pays, et ne pas exercer de fonction incompatible avec l’octroi d’une indemnité de départ accordée à l’issue de la carrière parlementaire. L’indemnité est imposable et est octroyée pour une durée égale à la durée du mandat présidentiel exercé.

En 1988, la Chambre instaure aussi une indemnité pour les fonctionnaires généraux

Cette même réunion du Collège des questeurs instaure aussi un mécanisme comparable pour les fonctionnaires généraux de la Chambre, parce que cela se fait aussi au Sénat… Le mécanisme imaginé par les questeurs de la Chambre pour les fonctionnaires généraux sera établi "par analogie à la réglementation arrêtée pour les anciens présidents de la Chambre". Ce qui a donc été octroyé pour les fonctionnaires, c’est fait sur base ce qui était prévu pour les présidents de la Chambre.

On change les mots, mais cela reste un complément de pension, donc. En tout cas, c’est à cela que cela ressemble.

C’est ce bonus octroyé aux fonctionnaires généraux qui a attiré dernièrement l’attention des services de la Chambre. Dans une note datée de ce 1er mars 2023 et envoyée au Bureau du parlement après consultations de plusieurs cabinets d’avocats, on y lit qu'"’il est illégal que la Chambre paye une indemnité (même si elle est payée pendant une période limitée) qui a pour conséquence que le mondant maximum de la pension soit dépassé". Les indemnités aux fonctionnaires sont donc à présent suspendues.

Anciens présidents et fonctionnaires généraux : mêmes conséquences juridiques ?

Cela renvoie à la réflexion du PTB et à la question qui se pose aujourd’hui : si la Chambre considère à présent que ces indemnités sont illégales pour les fonctionnaires généraux, pourquoi les considérerait-elle légales pour les anciens présidents de la Chambre alors que le système imaginé pour les fonctionnaires est directement inspiré de celui prévu pour les présidents ?

Il reste qu’à bonne source, on nous confirme qu’on n’a pas encore réglé la question de savoir si les sommes perçues par les anciens présidents de la Chambre, Herman De Croo et Sigfried Bracke, sont légales ou pas. Jusqu’à présent, les services de la Chambre ne se sont penchés juridiquement que sur le cas des fonctionnaires généraux.

Pour le cas des anciens présidents, il faudra attendre les résultats d’une nouvelle enquête juridique. Celle-ci a été demandée. S’il devait se confirmer que les indemnités perçues par les anciens présidents de la Chambre étaient illégales, Herman De Croo serait bien inspiré de ne pas trop vite verser cet argent à une œuvre de bienfaisance.

Sur le même sujet ( extrait du JT du 04/03/2023)

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