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Binge drinking, pré-soirées : qu'en est-il de la consommation d'alcool chez les jeunes en Belgique ?

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Par Maïna Boutmin via

La saison des festivals bat son plein. Récemment, Tipik s'est rendu aux Ardentes et Dour et vous a fait vivre les événements comme si vous y étiez. Les jeunes y vont souvent pour découvrir de nouveaux artistes, voir les prestations de leurs chanteurs préférés, mais également pour retrouver des amis dans les campings, tant l'ambiance y est particulière. Et souvent, dans ces moments-là, l'alcool coule à flot. 

En Belgique comme dans les pays voisins, l’alcool tient une place centrale dans les traditions : les pays européens ont le plus haut niveau de consommation d’alcool au monde. Selon les derniers rapports officiels, les Belges consomment une moyenne de 12 litres d’alcool pur par habitant et par an et se situent au-dessus de la consommation moyenne européenne. Cette place privilégiée que tiennent les boissons alcoolisées dans nos mœurs entraîne une initiation à l’alcool particulièrement précoce, souvent avant la majorité légale.

Ce n’est pas un hasard que l’alcool soit considéré comme le meilleur ami du fêtard : ce psychotrope désinhibe et provoque une légère euphorie. Cette boisson semble alors devenir indispensable pour s’amuser et faciliter les interactions sociales. Et si bières, vins et vodkas sont consommés par un panel varié de la population, depuis quelques années, un nouveau mode de consommation a fait son apparition et touche essentiellement les jeunes : le binge drinking.

Docteur en psychologies à l’ULB, Salvatore Campanella, a coécrit un livre sur le sujet : "Ce que les vendeurs d’alcool aiment raconter c’est que la vente d’alcool a diminué depuis les années 70. Les gens boivent peut-être moins de manière quotidienne mais chez les jeunes le mode de consommation a changé : il est plus ponctuel et excessif, et en fait plus délétère pour la santé. Ce sont notamment les pré-soirées qui ont popularisé ce mode de consommation : on boit vite pour être saouls une fois arrivés en boîte et ne plus rien avoir à payer."

Bien que l’alcool constitue un problème de santé publique - représentant la première cause de décès évitable chez les jeunes de 15 à 29 ans -, pour Fanny Bétermier, chargée de communication à Infordrogues, "Nous avons culturellement du mal à accuser l’alcool". Des propos que corrobore le chercheur de l’ULB : "C’est sûr que l’alcool est très installé en Belgique, en témoigne ne serait-ce que la Jupiler Pro League, si on compare avec Roland Garros en France, c’est sponsorisé par Perrier…" ironise-t-il.

Et si la question de l’alcool chez les jeunes est particulièrement importante à soulever, c'est parce que cette drogue légale les touchent différemment : "L’alcool est néfaste peu importe l’âge mais les jeunes sont particulièrement vulnérables à cette substance. Leurs cerveaux sont encore en maturation, et l’alcool étant une substance neurotoxique elle empêche le bon développement de certaines zones du cerveau notamment les zones frontales qui sont responsables de la régulation du comportement, l’aire des choix rationnels", précise le chercheur.

Chez les jeunes les pratiques de consommation rapide et en grande quantité entraînent – particulièrement chez les garçons - une forme de culte de la boisson, dont il semble difficile de se soustraire socialement : "Il est aujourd’hui presque plus étrange de ne pas boire que de boire trop", estime Fanny Bétermier. Cette stigmatisation de la sobriété n’incite pas à lever le pied : "Il y a un travail à faire pour apprendre à chacun qu’il n’est pas nécessaire de boire pour faire la fête, il faut inviter à se questionner sur l’utilité de sa consommation".

Seulement, au-delà des beuveries festives, les challenges et les tensions auxquels sont confrontés les jeunes, -la crise Covid en est un exemple criant -, les amènent parfois à consommer de l’alcool dans la recherche d’apaisement. C’est ici que la consommation excessive en soirée joue un rôle dans le potentiel développement d’une dépendance. "On sait aujourd’hui que chez les jeunes qui ont eu leur première 'cuite' à l’âge de 15 ans, dans le cas d’évènements de vie difficiles, 40% d’entre eux risquent de devenir alcoolodépendants. Ce pourcentage tombe à 10% s’ils ont 20 ans lors de leur première cuite", explique Salvatore Campanella.

Le tableau n’est pas tout noir pour autant. Selon Infor-Drogues, le binge drinking dépend particulièrement du contexte et s’essouffle au fil du temps. Si la crise du Covid a développé des comportements délétères vis-à-vis de l’alcool, l'ASBL a également constaté la diminution drastique de la consommation chez certains jeunes durant cette période puisque le cadre festif ne le justifiait plus. Aujourd’hui, l’association milite essentiellement pour la gratuité de l’eau dans les milieux festifs, une manière de réguler la consommation sans pour autant devoir la contrôler.

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