Depuis le début de la crise, la Belgique a clairement choisi d’englober ces statistiques pour disposer d’une vue d’ensemble de l’évolution du virus. C’est une stratégie politique, sanitaire, mais pas forcément la meilleure d’un point de vue scientifique, estime l’épidémiologiste Yves Coppieters, professeur à l’ULB : "En termes de santé publique c’est important parce que cela montre un vrai problème dans les maisons de repos et une surmortalité pour différentes causes. Mais pour suivre l’épidémie cela n’avait aucun sens puisque cette surmortalité n’est pas que due au virus".
Comptage inclusif
"On a fait le choix en Belgique de faire un comptage relativement inclusif, mais qui nous défavorise au niveau des statistiques des décès par rapport à d’autres pays. Par exemple, on sait très bien qu’en Italie il y a un grand nombre de décès dans les maisons de repos qui n’ont pas été repris dans les statistiques nationales. Chaque pays a son propre système de mesure. Mais même si on compte séparément les décès en maison de repos, cela reste malgré tout un nombre important. Notre pays a été touché dans son entièreté par l’épidémie, alors que d’autres pays n’ont été touchés fortement que dans certaines régions. Forcément, quand on rapporte le nombre de décès à l’ensemble d’un pays, cela va nous défavoriser dans les comparaisons internationales. On n’aura le cœur net sur cette mortalité que lorsqu’on regardera l’excès de mortalité par rapport à une mesure générale", explique Marius Gilbert, épidémiologiste et maître de recherches FNRS à l’ULB.
D’ici quelques jours, les chiffres des décès du Covid-19 dans notre pays devraient être plus justes et plus en phase avec les réalités que vivent les maisons de repos.
L’enjeu politique du nombre de décès dans les homes
La Première ministre Sophie Wilmès en a parlé pendant sa conférence de presse, Maggie De Block l’a répété ce matin et Sophie Wilmès en a de nouveau fait mention lors de la séance plénière à la Chambre ce jeudi après-midi : il y a un souci avec la façon dont les décès en maison de repos et de soins sont comptabilisés. Tout en indiquant qu’il était "toujours difficile de parler de chiffres dans ces circonstances, car une vie est une vie, un décès reste un drame, qu’on décède du COVID-19 ou d’autre chose", la Première ministre pointe le chiffre suivant : 48%. L’analyse des premiers tests réalisés dans les maisons de repos et de soins (MRS) montre que 48% des résidents sont positifs au coronavirus. Un peu moins de la moitié donc. "Alors que, continue Sophie Wilmès, les décès constatés dans les MRS sont à 100% considérés COVID-19 et repris dans notre analyse, qu’ils soient confirmés ou suspectés." Comme nous vous l’indiquons plus haut, Sciensano a annoncé que 30% des décès enregistrés ces dernières 24 heures dans les MRS étaient confirmés positifs au virus.
Si l’on devait revoir tous les décès en maisons de repos ou de soins en modifiant, le cas échéant, la cause du décès, le nombre "officiel" de morts du COVID-19 dans les MRS pourrait baisser de façon importante. Ce qui, mécaniquement, abaisserait de façon significative le bilan humain de cette crise sanitaire. Et lorsqu’il s’agit de comparer aux autres pays européens, notre pays pourrait mieux "figurer". De quoi, donc, politiquement, être moins sous pression, lorsqu’il sera l’heure de faire le bilan.