L’idée de ces trains de nuit est de proposer des prix assez raisonnables pour être une alternative tentante face à l’avion. "Il faut aussi avoir en tête le fait que vous gagnez le prix d’une nuit d’hôtel. Si, à la place, vous aviez pris l’avion pour arriver le soir même, vous auriez dû vous payer un logement cette nuit-là", souligne Elmer Van Buuren.
Vers Prague, l’aller est à partir de 60 euros dans un compartiment couchette (avec lit donc) chez European Sleeper. Le prix baisse si vous acceptez juste une place assise.
Vers Berlin, c’est à partir de 49 euros chez Moonlight Express. Là aussi, le prix change en fonction de la formule et du moment de la réservation.
Vers Vienne, c’est à partir de 29,90 euros avec ÖBB (ici, pour une place assise).
Ces projets pourraient-ils tomber à l’eau ?
Pour Prague et Berlin, les deux nouvelles destinations, une demande vient d’être introduite chez Infrabel pour pouvoir avoir accès au réseau ferroviaire belge. C’est une sorte de demande de "droit de passage".
C’est un peu technique, mais tentons de faire simple. La demande pour ces trains de nuit doit encore être analysée par Infrabel et ce, en parallèle aux demandes de tous les autres opérateurs qui utilisent le rail belge. Il y a la SNCB, Thalys, Eurostar et 9 sociétés de transport de marchandises.
"Nous sommes très enthousiastes à l’idée d’avoir des trains de nuit. En théorie, le réseau belge peut les accueillir. Mais nous devons encore analyser la faisabilité de cet accueil", explique Jessica Nibelle, porte-parole d’Infrabel. Ce n’est donc pas encore "sûr et certain", dit-elle, "mais on va faire au mieux pour essayer de contenter tous nos clients".
En définitive : European Sleeper et Moonlight Express attendent encore une dernière confirmation fin août.
Des conducteurs qui changent à chaque frontière
Si le principe du train de nuit semble assez simple, l’organisation du trajet ne l’est pas nécessairement. "Il y a beaucoup de règles à respecter", explique Elmer Van Buuren (European Sleeper), "le conducteur doit parler la langue du pays qu’il traverse, l’anglais ne suffit pas. Il doit, par ailleurs, connaître les règles de circulation du pays. Donc à chaque frontière, le conducteur change. Pour cette raison, nous allons collaborer avec la SNCB, qui va nous fournir du personnel pour la partie du trajet en Belgique".
Une collaboration avec la SNCB encouragée et même appelée par le ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet, enthousiaste à l’idée de "soutenir le redéploiement du train de nuit", nous dit son porte-parole, "c’est une offre d’avenir pour les voyageurs et une alternative crédible aux vols en avion à courte distance". De ce contexte, la SNCB nous assure "pouvoir jouer un rôle de soutien si nécessaire, tant au niveau de la vente de billets que de mise à disposition de notre matériel roulant (locomotives) et/ou de notre personnel de bord. Nous avons déjà une collaboration de ce type avec ÖBB pour le Nightjet".
Autre difficulté insoupçonnée : la largeur des voies n’est pas la même partout. Ce serait ce qui coince pour atteindre Barcelone, selon Moonlight Express. "Une possibilité est d’utiliser la voie à grande vitesse, mais cela prend plus de temps à développer. On travaillera là-dessus 2021 et 2022. En attendant, on pense éventuellement à une autre connexion vers Perpignan", explique Louis De Jaeger, l’un des entrepreneurs belges derrière Moonlight Express.
De plus en plus de destinations ?
Une chose est certaine : les deux compagnies privées se projettent dans le futur et pensent déjà à de nouvelles destinations. "On réfléchit à quatre nouvelles liaisons vers d’autres pays ces prochaines années", explique Elmer Van Buuren (European Sleeper). "A partir de Bruxelles, toutes les destinations dans un rayon de 1200 km sont intéressantes. Il vous suffit de regarder sur une carte." En somme : Espagne, Italie… Pologne, peut-être ?
De son côté, Moonlight Express "étudie plusieurs autres routes, car notre but est de construire un réseau de trains de nuit intéressant", explique Louis De Jaeger. Et dans ce contexte, ajoute-t-il, "Bruxelles est clairement bien connectée et centrale. Notamment pour les voyageurs qui viennent d’Angleterre. Actuellement ce potentiel est sous-utilisé."
De façon générale, les initiatives et déclarations en faveur des trains de nuit internationaux se multiplient en Europe. Récemment, l’Allemagne a même proposé un retour version 2.0 des Trans-Europ-Express (TEE), proposition soutenue par la Belgique.
De son côté, Elmer Van Buuren parle de prise de conscience environnementale et d’un "effet Greta Thunberg". Mais, conclut-il, "il y a aussi, je crois, le désir de certaines personnes de vouloir voyager d’une autre façon, de vivre une expérience différente".