La réouverture officielle du musée de Tervuren approche à grands pas. Elle aura lieu en grande pompe le 9 décembre 2018. Mais la restitution des biens coloniaux semblent de plus en plus inéluctable. Le musée a diffusé la propagande coloniale pendant plus de 60 ans.
Bien que les responsables du musée se positionnent pour une lecture critique de l’histoire coloniale, reste que 75% environ de son patrimoine, essentiellement ethnographiques s’est constitué pendant cette période coloniale soit 180.000 pièces provenant de pillages et confiscations, mais aussi des crânes des dépouilles massacrées à l’époque du Congo belge. Parmi lesquelles, le crâne de Lusinga lwa Ng'ombe. En 1884, ce puissant chef tabwa de la région du lac Tanganyika fut décapité lors d’une expédition punitive commanditée par Emile Storms.
Il fit au passage 60 morts et 125 prisonniers. Dans une enquête hyper approfondie, menée par Michel Bouffioux pour Paris Match, on apprend que ce militaire belge se constituait une collection de crânes pour impressionner ses ennemis. A la fin de son séjour en Afrique, Storms ramena le crâne de Lusinga mais aussi ceux de deux autres chefs locaux (Mpampa et Marilou) qui furent " stockés " pendant longtemps à Tervuren avant de rejoindre jusqu’à aujourd’hui, le Musée Royal des Sciences Naturelles.
La question des restitutions invite à un travail de mémoire approfondi, sur des crimes commis au nom de la " civilisation " et méconnus chez nous. La statue de Storms, inaugurée en 1909, trône tjrs sur le square de Meeûs à Bruxelles. Et c’est aussi au Musée de Tervuren que des statuettes volées par Storms à Lusinga dans le sang et la violence, sont encore montrées en vitrines de nos jours.
La sécurité des biens en Afrique?
Un argument qualifié de paternaliste pour les défenseurs du retour. Les biens seraient soit disant mieux protégés en Occident. Un argument qui semble ne plus fonctionner dans les cas du Rwanda ou de la République démocratique du Congo (ancien Congo belge).
A Kinshasa, un Musée fraichement construit par la coopération Sud-Coréenne ouvrira fin 2019. Et au-delà de ces arguments techniques, ne pourrions-nous pas imaginer en attendant, une co-gestion de ces collections ? Si ce patrimoine est véritablement partagé comme le soutiennent quelques-uns, pourquoi ne pas accueillir, de façon permanente des scientifiques Congolais, Rwandais et Burundais pour veiller, ensemble, sur ces collections.
La Belgique ne peut plus rester en dehors du débat politique sur le plan international
Du côté français, le rapport de deux experts, commandité par le président Macron, est tombé il y a une semaine : l’universitaire sénégalais Felwine Sarr, et l'historienne de l'art Bénédicte Savoy, se positionnent sans ambiguïté pour une restitution définitive et sans restriction de ces biens "mal acquis". L’Allemagne, elle, sensibilisée à la question depuis les spoliations de l'ère nazie et elle-même pillée par l'Armée rouge, considère qu’il faut s’inspirer de l’exemple des restitutions faites aux juifs spoliés pour aborder cette question.
Ces biens pillés, lors des meurtres coloniaux, doivent être restitués. Les Africains du continent qui désirent montrer leurs cultures et leurs patrimoines à leurs enfants ne le peuvent pas. Cet héritage culturel confisqué aux africains, n’appartient pas aux européens.
La Belgique devra se positionner officiellement tôt ou tard. Le cœur de ce débat n’est pas d’opposer les pour et les contre. Il mérite mieux, il mérite plus de complexité, il mérite de regarder l’histoire coloniale dans le blanc des yeux. La question n’est plus de savoir si les biens spoliés pendant la période coloniale doivent être rendus ou non? Mais quand?