Chronique littérature

Betty de Tiffany McDaniel, un livre féministe sous forme de chronique sociale qui fait déjà bien parler de lui

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Par Sophie Creuz via

Sophie Creuz nous présente le nouveau roman de Tiffany McDaniel, Betty.

Betty, est la mère de l’auteur qui a mis des années à recomposer le tableau familial des huit frères et sœurs nés dans les années quarante et cinquante, de l’union entre un père Cherokee et d’une mère blanche. La vie était rude pour eux, et Betty en particulier était moquée parce que trop typée. Une tare qu’elle porte à l’école mais aussi à la maison où sa mère et ses sœurs plus blondes et plus roses dénigrent sa peau brune et ses longs cheveux noirs. Mais elle a deux talents, elle écrit et elle absorbe tout le savoir de son père, merveilleux conteur, jardinier, guérisseur, bon et aimant avec tous et avec chacun.

Un roman qu’a adoré Sophie Creuz

J’ai adoré ce roman, car il va bien au-delà d’une simple chronique sociale. Le contexte est dur, cette famille est pauvre, les blessures intimes, la mort, le racisme, les atavismes se répètent de génération en génération, et malgré cela nous ne sommes pas dans un roman réaliste sordide. Toute la magie de ce livre est de trouver une langue merveilleuse et des images chatoyantes pour transformer la triste banalité.

Betty, et Tiffany McDaniel qui lui prête sa voix, sont des poétesses, de véritables chamanes du verbe.

Betty a 9 ans quand elle découvre le monde tel qu’il est, brutal, injuste. Ce qu’elle voit, elle l’écrit sur des petits bouts de papier qu’elle enterre dans des bocaux en verre dans le jardin. Les sœurs aussi s’écrivent des "bonnes nuits" qu’elles gardent précieusement pour les soirs de cafard, et leur frère, lui, dessine merveilleusement.

Un roman qui séduit

Absolument, il séduit quiconque se plonge dans ces 700 pages enchanteresses. Et pourtant tous les fléaux sont là, le sexisme, les préjugés, le peu de perspectives qui s’offrent à ceux qui ne finissent pas l’école. Mais cela nous est raconté à la manière d’un conte, avec un mouvement dans le récit et avec des personnages tels qu’on en trouve chez Faulkner. Des personnages qui échappent à leur condition par le rêve.

On dirait que sous le texte pulse une voix caressante qui apporte une forme d’apaisement et de réparation au mal, en s’attachant à la beauté. A la beauté de l’enfance en particulier, à son inventivité, sa résilience, sa grandeur, en bute à la médiocrité de certains adultes. Et la musicalité du style de Tiffany McDaniel garde cet imaginaire. Un imaginaire serré comme entre deux livres, entre les Évangiles d’une part, souvent bafoués, et les légendes indiennes, de l’autre.

C’est donc un livre cruel mais plein d’amour, et d’abord de l’amour Tiffany McDaniel pour sa mère et pour ce grand-père cherokee qu’elle n’a pas connu mais dont elle a hérité le don pour mettre le monde en couleurs.

Ce livre est un chant et un éclat de lune mais par-dessus tout l’histoire qu’il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne.

Voilà, tout est dit. Je pourrais simplement ajouter que c’est aussi un livre de femme, un livre féministe même qui met en lumière les dangers que les filles doivent affronter, depuis la violence physique jusqu’aux stéréotypes qui les enferment dans des destins qu’elles n’ont pas choisis. Alors que, nous l’apprenons ici, dans la société cherokee les femmes étaient égales aux hommes en tous points. Une égalité qui a pris fin avec la colonisation.

Ce sont 700 pages que vous ne lâcherez pas, écrites avec une poésie attentive aux mouvements de la vie et de la nature, aux secrets de famille mais aussi aux joies qui restent dans la mémoire, comme sucer un glaçon avec une groseille du jardin au milieu ou regarder s’envoler un aigle qui, dans son bec, emporte vos souhaits jusqu’au ciel.

"Betty" de Tiffany MCDaniel, traduit par François Happe, parait chez Gallmeister.

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