Bertha Pappenheim, née en 1859, est devenue malgré elle un symbole de l’hystérie. Son existence publique s’est réduite à être une folle inguérissable. En tout cas c’est ce que Freud, tous les docteurs et enseignants, nous racontent, encore aujourd'hui. Pourtant, un jour tout bascule. Le train qu'elle prend à Vienne à destination de Francfort en 1888, à l’âge de 29 ans, change le cours de sa vie. Et cette suite là mérite, elle aussi, d’être racontée dans L'Heure H.
De Bertha Pappenheim à Anna O
Retour en arrière, en 1880 : le père de Bertha tombe malade. Au chevet de celui-ci, elle fuit sa réalité du quotidien pour vivre des contes de fées. Plus tard, elle en parlera en appelant ça "son théâtre privé"… Mais au fil des mois, les cernes de Bertha se creusent. Elle ne dort presque pas et le reste de la famille décide de l’éloigner de son père, afin qu’elle se repose.
À contre cœur, Bertha quitte la chambre de son père pour rejoindre son propre lit. Et… à peine couchée, la jeune femme est prise d’une quinte de toux. Celle-ci s’installe alors que Bertha prolonge de plus en plus ses rêveries… Finalement, ses journées sont rythmées par des états de somnolence, entrecoupés de phases d’agitation en après-midi. Sa mère, inquiète, ne reconnait plus sa fille qui, jusque-là, avait une santé de fer. Elle appelle donc le grand médecin réputé et attitré des familles de la haute bourgeoisie juive de Vienne : Josef Breuer, proche d'un certain Sigmund Freud. Ils se sont d’ailleurs bien connus, et se sont influencés dans leurs pratiques en matière d’hystérie et de maladies mentales.
Josef Breuer connaît personnellement la famille Pappenheim. Il débarque au chevet de Bertha avec un diagnostique formel : la toux n'a rien d'inquiétant, par contre cette jeune femme souffre d’hystérie ! Et comme si le simple fait de nommer son état le rendait réel, Bertha développe soudain toute une flopée de symptômes absolument surprenants ! Elle ne parle plus qu’anglais, puis se met à mélanger toutes les langues, avant de se taire complètement pendant 15 jours. Sa vue se brouille, des membres de son corps se contractent et se paralysent, sa peau s’anesthésie. Elle s’agite, devient grossière, capricieuse, puis ne se souvient plus de rien… Elle reste au lit tout l’hiver, et même jusqu’en avril 1881, sous le regard du médecin qui vient lui rendre visite.
Josef Breuer, intrigué par ces symptômes impressionnants, prend son rôle très à cœur. Il s'investit, tente de comprendre, comme s’il était face à une énigme impossible à résoudre. Il prend alors un petit carnet et décide de tout noter. Il y inscrit : "Vienne, 1881, Anna O, 21 ans, hystérique".
C'est ainsi qu'elle devient malgré elle, connue dans les livres de psychologie sous le pseudonyme d’Anna O. On parle même du "cas Anna O", célèbre en tant que première patiente de l’histoire de la psychanalyse. Comment en est-on arrivé là ? L'Heure H revient sur l'histoire de Bertha Pappenheim, avec un regard critique sur l'hystérie.
► Écoutez l’entièreté de ce récit dans le podcast ci-dessus, et bien d’autres destinées qui ont basculé à L’Heure H avec Jean-Louis Lahaye, du lundi au vendredi de 15h à 16h sur La Première et en replay sur Auvio.