Souper aux moules, fancy-fair, barbecue, petit-déjeuner de rentrée, Halloween, marche de Noël, Saint Nicolas, bal de la bourgmestre… Si vous habitez Berloz et que vous aimez vous amuser, la commune s’en occupe ! Tout ça est annoncé dans le bulletin communal et le président du CPAS Alain Happaerts (Les Engagés) se montre volontiers tournant les saucisses à ces fêtes. L’opposition enrage : "je soupçonne le collège communal de Berloz de détourner l’argent public à des fins de guindaille, on ne sait pas ce qui est fait avec les sous" accuse l’Ecolo Roland Vanseveren.
Fête sur fête à Berloz, mais où vont les bénéfices ?
L’argent que récolte le comité "quelle école pour demain" est-il bien versé à l’école communale de Berloz ? Ou ce comité sert-il de paravent à une campagne électorale permanente en faveur du président du CPAS Alain Happaerts (les Engagés) ? Le conseiller d’opposition Roland Vanseveren (Ecolo) exige de voir les comptes. Au conseil communal de novembre (extrait à 57 : 19), le président du CPAS a répété avec force qu’il n’en est pas question.
- On vous a déjà répondu !
- Non !
- Si !
- Non !
Si l’opposition estime qu’il s’agit d’une affaire publique qu’il faut contrôler, c’est que le comité des fêtes de l’école a, à plusieurs reprises, reçu de l’argent de la commune. Il s’agissait de financer les voyages scolaires : 1800 euros en 2017 et 1900 euros décidés le 18 décembre 2019, notamment. Pourtant, le président du CPAS refuse de contrôler / d’être contrôlé "parce que je suis une association de fait" rétorque-t-il au conseil communal de novembre.
On organise des fêtes à tire-larigot à Berloz. Où passent les bénéfices prétendument destinés à l’école ?
"On organise des fêtes à tire-larigot à Berloz. Où passent les bénéfices prétendument destinés à l’école ?" le taraude l’opposant Ecolo, pas convaincu que l’école reçoive vraiment la recette. "Je n’ai aucun élément qui me permette d’affirmer que l’argent récolté est bien dédicacé aux causes pour lesquelles ces activités sont organisées."
L’opposition n’a jamais pu se faire montrer les comptes du comité. Elle estime pourtant qu’à partir du moment où ces activités sont organisées avec le soutien de la commune, il faut "contrôler que les bénéfices sont bien dirigés vers là où ils sont annoncés. Aucun acte, aucune pièce concernant l’administration ne peut être soustrait à l’examen des membres du conseil communal, c’est ce que dit le code de la démocratie locale."
Président du CPAS et titulaire du compte en banque du comité
Une seule casquette ne semble pas suffire à la tête du président du CPAS. Il les multiplie. Il est, d’une part, l’autorité qui donne des moyens. Le 18 décembre 2019, il siège au conseil communal qui octroie 1900 euros au comité. Alain Happaerts est aussi d’autre part celui qui reçoit cet argent au nom des œuvres scolaires : c’est lui qui est titulaire du compte en banque de ce comité dont il est la personne de contact - comme en témoignent bon nombre d’éditions du bulletin communal Berl’info.
Président du CPAS et échevin de l’enseignement
Pour ne rien simplifier, le président exerce aussi la compétence d’échevin de l’enseignement. Voilà qui fait beaucoup pour un seul homme. C’est surtout incompatible souligne Roland Vanseveren. Au minimum, le président du CPAS aurait dû quitter la salle quand le conseil a voté – à l’unanimité – le subside à son comité des fêtes.
Nous ne le savions pas, nous n’avions pas relevé que nous étions dans l’illégalité, maintenant on ne le fait plus.
Le collège a bel et bien ignoré l’article L1122-19 du code de la démocratie locale qui interdit "à tout membre du conseil (et du collège) […] d’être présent à la délibération sur des objets auxquels il a un intérêt direct, soit personnellement, soit comme chargé d’affaires […]". La réponse candide du président peut étonner : "nous ne le savions pas, nous n’avions pas relevé que nous étions dans l’illégalité, maintenant on ne le fait plus."
"Monsieur Happaerts est celui qui s’attribue des subventions à lui-même" accuse l’Ecolo Vanseveren. Le conseiller Ecolo cite l’article 245 du Code pénal qui promet amende, prison et interdiction de fonctions, emplois et offices publics à "toute personne exerçant une fonction publique qui […] aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans des actes […] dont elle avait […] l’administration […].
Le président du CPAS fulmine : "il essaie de me rendre inéligible en 2024 ! Je suis bénévole, je me bats pour que cette école survive !"
Mandat non déclaré
Légèreté ou candeur, dans sa déclaration annuelle de mandats, le président du CPAS oublie qu’il fait office de trésorier du comité des fêtes de l’école. Or, le vade-mecum de la Cour des Comptes est très clair. Les élus doivent déclarer même les mandats qu’ils exercent auprès des associations de fait. "Je ne le savais pas" répond de nouveau Alain Happaerts.
Ce n’est pas terminé. Le collège communal de Berloz multiplie les boulettes légales. Alain Happaerts ne "savait pas" non plus qu’en citant l’article L3331-9 du code de la démocratie locale pour éviter aux associations subsidiées d’être contrôlées, la commune s’appuyait sur une disposition abrogée en 2013 ! "Il y a au minimum un problème de veille législative à Berloz !" s’inquiète Roland Vanseveren.
En résumé, voici une municipalité qui subsidie un comité scolaire des fêtes, où le président du CPAS qui vote ce subside le reçoit, refuse de se faire contrôler et ne déclare pas son mandat. Et la commune se met à l’abri derrière une version obsolète du code de la démocratie locale.
Campagne électorale permanente ?
Les recettes du comité des œuvres scolaires servent-elles à autre chose qu’à aider l’école ? L’opposition le soupçonne. C’est pour ça qu’elle veut contrôler ses comptes. "Ça sert de vitrine à la majorité et à certains d’entre eux qui n’arrêtent pas de se mettre en évidence sur les réseaux sociaux. Ça contribue à les rendre populaires, avec derrière ça des suspicions de malversations financières, je n’ai pas peur de dire les choses".
Je dois faire de la politique comme lui ? Derrière son ordinateur !
Le président du CPAS / échevin de l’enseignement / trésorier du comité scolaire s’insurge : "tout citoyen a le droit d’aller tourner des saucisses sur un barbecue ! A partir du moment où un élu ne peut plus se montrer et ne peut plus rien faire, alors je me tue ! Comme ça, il sera content ! Je dois faire de la politique comme lui ? Derrière son ordinateur ! Parce que lui, on ne le voit nulle part ! " Alain Happaerts dément mener une campagne électorale permanente et payante dans des bâtiments communaux.
Mais festoyer dans ces locaux sans payer aucune location, c’est recevoir une subvention publique en nature souligne l’opposant Ecolo. "Ils organisent des fêtes dans des installations publiques. C’est la commune qui finance le chauffage, qui paie le nettoyage et l’électricité. Ces fêtes sont prétendument au bénéfice de l’école, mais ils ne donnent aucune publicité à ce qu’ils font avec l’argent qu’ils gagnent et c’est ça qui m’a mis la puce à l’oreille."
Alain Happaerts nous montre ses classeurs
Après trois quarts d’heure d’entretien à la maison communale de Berloz, Alain Happaerts nous propose de nous montrer ses comptes. Nous l’accompagnons chez lui. Il nous laisse voir le compte en banque du comité des œuvres scolaires. Il refuse par contre de nous en laisser prendre une copie.
Sur son application bancaire, nous pouvons énumérer des achats de joints pour un double évier, des achats de verres, d’un robot mixer, d’étagères, de thermos, bains-marie, dessertes, couverts, assiettes, friteuse, lave-vaisselle, percolateur, micro-ondes, mange debout, frigo de table "pour les maternelles de Berloz", pains, gaufres, boissons, pilons de poulet, café, serviettes, sets de table, confiture, tasses "pour le petit-déjeuner de rentrée", choco, spéculoos, mais aussi détecteurs de CO2 "pour les classes", tableaux numériques (4572 euros), allonges multiprises. 1900 euros sortent le 21 mars 2019 vers un compte "spécial voyage scolaire" au numéro IBAN différent de celui de l’école, mais qui appartient à l’école nous certifie le président / trésorier.
Pour chaque sortie d’argent insiste Alain Happaerts, il y a une facture : "C’est toute une gestion" sourit-il. Un retrait de 500 euros correspond "à un fond de caisse en monnaie". "Vous ne verrez pas d’achats d’essence pour ma voiture". Cependant, le trésorier Alain Happaerts aura beau fouiller son classeur, il ne retrouvera pas les factures relatives au voyage scolaire de 2019. Elles doivent être chez une institutrice suppose-t-il.
Sur les années que nous avons pu voir, le compte ne montre pas d’entrées régulières d’argent "parce que depuis le covid, je n’ai plus fait de virement sur la banque. On vient de reprendre l’activité. Pendant deux ans, je n’ai quasiment eu que des sorties". Le président du CPAS explique qu’il doit prochainement aller verser 3000 euros en liquide sur le compte du comité.
Un début d’ouverture, mais…
Qu’Alain Happaerts accepte de nous montrer ce compte bancaire est une avancée par rapport à ses refus répétés à l’opposition. Mais pourquoi un journaliste peut-il voir tout ça alors qu’un conseiller communal qui le demande depuis des mois ne peut pas ? Notons que sans une copie de ces comptes, il est de toute façon impossible de mener une analyse fouillée ou d’affirmer que tout est correct. Il y a effectivement des dépenses qui semblent profiter à l’école. Il y a aussi beaucoup d’achats de matériel Horeca et de nourriture. Il serait intéressant de pouvoir comparer les entrées d’argent et les sorties qui profitent à l’école.
Quand il pose cinq questions et qu’on lui répond, il en pose dix autres !
Pourquoi ne pas jouer la transparence et tout montrer aux citoyens ? "Pas à lui" s’énerve Alain Happaerts à propos de Roland Vanseveren. "Parce qu’il va tout éplucher et essayer de trouver des trucs qui seront aberrants. Quand il pose cinq questions et qu’on lui répond, il en pose dix autres." Mais à la suite de notre visite, le président du CPAS se dit d’accord de laisser voir ses comptes et factures à qui d’autre voudra les voir.
La justice ouvre un dossier
Nous avons demandé à Alain Happaerts combien d’argent le comité des fêtes récoltait chaque année et combien il en reversait à l’école. Il nous avait annoncé une réponse "courant de la semaine" [dernière ndlr]. Nous n’avons toujours rien reçu. Alain Happaerts admet ne pas tenir de comptabilité au sens propre. C’est comme à la maison : quand de l’argent entre, on peut le dépenser et c’est tout.
Cette non-comptabilité et ce fonctionnement en liquide ne font qu’ajouter aux interrogations de l’opposition berlozienne, qui a écrit au ministre de tutelle et au procureur du roi. Selon des informations recueillies par la RTBF, la police fédérale a ouvert un dossier.