À l’attention du Gouvernement Fédéral et du Parlement Fédéral de la Belgique/Ter attentie van de Federale regering en het Federaal Parlement van België
Mesdames, Messieurs,
En cette année où la Belgique commémore sa libération après quatre années d’occupation ennemie et toutes les souffrances subies par ses citoyens, la voix et l’expertise d’une enfant née de la Seconde Guerre mondiale peuvent-elles peut-être vous aider à prendre des décisions raisonnables et humanitaires concernant le retour des enfants belges en Syrie.
Belgique, nous t’accusons d’infanticide sur tes enfants en Syrie.
Un jour tu ramenas de la Crimée de enfants russes dans notre pays ;
Bras ouverts tu as accueilli les enfants de la guerre civile espagnole ;
Les enfants d’Agadir étaient les bienvenus ;
Tu trouvais de la place pour les boat people vietnamiens et leurs enfants ;
Tu fus terre d’asile pour les enfants chiliens de la dictature Pinochet.
Nous, tu nous abandonnes dans la fureur de la guerre dans les camps syriens.
Tes citoyens pansent encore leurs plaies des deux guerres mondiales ;
Ils préfèrent voir des soldats dans leurs rues.
Cela crée une impression de sécurité.
Nous avons peur de toutes les armées et des armes.
Tu dis que les Belges ont d’autres soucis :
Des primes d’habitation qui ne sont rien pour nous :
Des tentes et des bombardements sont notre toit ;
Les prix de l’énergie et des panneaux solaires :
La chaleur nous accable ;
De la nourriture, des boissons saines :
Rien ne parvient plus jusqu’à nous ;
Le remboursement de médicaments et de soins :
Chez nous il n’y a ni médecins, ni hôpitaux.
Harcèlements de tout genre sont notre quotidien ;
L’abus des photos de leurs enfants ?
Les nôtres font le tour du monde,
Mais personne nous voit ou veut de nous.
Belgique, notre ‘matrie’ et notre patrie,
Nous n’existons même pas pour toi,
Car nous sommes des sans-papiers.
Belgique, nous ne ferons pas ta connaissance,
Ni celle de tes politiciens perfides pour qui
Les droits humains et des enfants ne sont que des chiffons de papier.
Que toi et tes alliés européens ne vendent plus d’armes ici,
Nous nous en fichons : vos armes pullulent en Syrie !
Nous n’aurons pas le temps pour apprendre à t’aimer.
La guerre, les bombes nous ferment les yeux,
Nous assourdissent.
Enfants de la Belgique et de l’Europe, chers compatriotes,
Nous ne ferons pas votre connaissance ;
Nous ne jouerons pas ensemble ni n’apprendrons à vivre en paix.
Personne ne portera notre deuil.
Notre propre pays nous a abandonnés et assassinés.
Commémorez-nous le jour des saints Innocents !
Signé: Les enfants belges en Syrie
Gerlinda Swillen, 77 ans, est docteur en Histoire de la VUB depuis 2016. Professeur de néerlandais durant près de 40 ans, associée à certains programmes de la BRT, puis VRT. Elle s’est surtout fait connaître comme collaboratrice au CEGESOMA et à la VUB, démarrant des recherches sur le sort des enfants dits "de Boches". Ces enfants nés de la seconde guerre mondiale. Ce qui est son cas, née à Ostende en 1942 d’une maman belge et d’un soldat de la Wehrmacht. Elle a créée l’Union des enfants de guerre en Belgique qu’elle présida de 2008 à 2013. En 2010, elle a obtenu la nationalité allemande, devenant la première enfant de guerre belge à l’obtenir. Auteure notamment de "La valise oubliée. Enfants de guerre (1940-1945)".