Un roman graphique dont le titre ne laisse pas beaucoup de doutes sur son contenu : ''Immonde !'', avec un beau point d’exclamation à la fin ! Une BD qui happe le regard dès sa couverture mystérieuse, en mauve et vert fluo, rehaussée d’un brin de rose.
On y découvre trois adolescents au bord d’un lac, dans une scène nocturne et irréelle, face auxquels un animal tentaculaire semble sortir de l’eau. Cela résume bien ce qui nous attend à l’intérieur de ce roman graphique qui nous emmène dans les Vosges, en lisière de forêt, à Morterre, une petite ville fictive qui vit de l’extraction d’un minerai radioactif aux propriétés révolutionnaires. Le lieu idéal pour un thriller d’anticipation flirtant à la fois avec le fantastique et le récit de fiction écologique. On va y suivre un petit groupe d’ados aux prises avec des phénomènes paranormaux de plus en plus inquiétants.
Une histoire pour nous faire frissonner ? Oui et non. Pour moi, c’est avant tout une histoire sur l’adolescence, un roman de formation. Les trois personnages principaux qui mènent leur propre enquête sont en marge, ce sont des nerds. Ils ne trouvent pas vraiment leur place dans le monde normé. Ils vont d’ailleurs parallèlement faire leur propre apprentissage du genre et de la sexualité. ''Immonde !'' bascule peu à peu dans l’horreur, mais cette horreur est aussi une métaphore du monde tel que le vit un petit groupe d’adolescents confrontés à la folie et à l’inconséquence des actes des adultes. En ce sens, le bandeau qui renseigne la parenté entre ce récit et l’auteur américain culte Charles Burns prend tout son sens. L’ambiance dans laquelle nous baigne Elizabeth Holleville rappelle celle de la mythique série ''Black Hole''.
C’est seulement le deuxième roman graphique d’Elizabeth Holleville, une autrice complète, mais il est déjà superbe de cohérence et de maîtrise. Les effets sont parfaitement dosés, entre la lisibilité d’un dessin qui adopte des visages et des décors très stylisés et la nécessaire complexité des ambiances le plus souvent nocturnes où prolifèrent des créatures de plus en plus horribles, à mesure qu’on avance dans le récit. Le tout est baigné dans un camaïeu de couleurs très réussi, on passe sans cesse du vert au mauve, ce qui baigne le récit dans une ambiance irréelle, à la fois esthétique et anxiogène. Tout au long des 200 et quelques pages de cette histoire, on sent la gradation des effets, la dessinatrice créant des pages moins découpées pour laisser la place à de grandes cases en plan large, ou à de très gros plans de créatures dans la nuit. C’est flippant, comme on dit, mais on en redemande. Et au final, on lit un roman graphique d’une belle densité.
''Immonde !'' par Elizabeth Holleville, chez Glénat