Il s’agit de deux " docu-bd "… Des livres qui mêlent bande dessinée et informations sérieuses, historiquement parlant. Deux livres qui ne manquent vraiment pas d’intérêt !
Petits Secrets Et Grandes Histoires De Corsaires (dessin : Guillermo González – scénario : Dani Fano – éditeur : Petit à Petit – août 2021 – 80 pages)
L’Histoire, avec un h majuscule, a toujours aimé se voir dessinée. On ne peut que se souvenir, entre autres, des " histoires de l’Oncle Paul ", de " Liliane et Fred Funcken ", de Jacques Martin… La bande dessinée, aujourd’hui, reprend le flambeau, différemment, mais avec autant de talent très souvent.
On se retrouve avec ce livre dans un univers littéraire connu, et utilisé par des écrivains comme Maupassant ou Jean Ray : des gens, autour d’une table, dans un bar plus ou moins mal famé, se racontent des histoires. Des souvenirs… des légendes… Dans cet album, il y a six récits, et entre chacun d’eux, deux pages de texte et d’illustrations qui retracent la vérité historique de ces corsaires qui étaient, en quelque sorte, des pirates assermentés, avec des lois et des règles bien précises.
Des marins du grand nord aux amitiés trahies, de la religion aux récits parlant de créatures mystérieuses, du rôle des femmes à la réputation des Indiens coupeurs de tête, c’est tout un pan de l’Histoire de la marine qui nous est raconté. Le dessin de Guillermo Gonzalez, semi-réaliste, avec Un très beau travail sur la couleur, accompagne les scénarios passionnants et intelligents de Dani Fano. Quant aux textes des différents dossiers, ils sont clairs, pas fastidieux, et accompagnés d’illustrations parlantes.
Enchaînés (dessin : Antoane Rivalan et Christopher Lannes - scénario : Alexandrine Cortez – couleurs : Joël Odone – documents : Bernard Guillet et Krystel Gualdé – éditeur : Petit à Petit – septembre 2021 – 80 pages)
Ce livre-ci est bien plus sérieux… Il nous parle de l’esclavagisme au 18ème siècle. Cet album, dont le contenu historique et iconographique doit beaucoup au musée d’histoire de la ville de Nantes, nous fait ainsi voyager de France en Afrique, d’Afrique en Amérique, d’Amérique en France, avec un navire négrier, un navire " de traite ", le Marie Séraphique.
Les auteurs de cet album, Alexandrine Cortez au scénario, Rivalan et Lannes au dessin, nous font accompagner en onze chapitres le quotidien d’une campagne marchande dont les marchandises étaient humaines et africaines. A partir de documents historiques, ces chapitres, au réalisme sans fioritures qui n’auraient pu que dénaturer le propos, ces chapitres nous font découvrir le quotidien des marins, mais aussi ce qu’était un armateur, ce qu’était une vente d‘esclaves sur les côtes africaines, des esclaves noirs vendus par des Rois, noirs aussi…
Ce livre nous parle de l’inacceptable en nous replongeant dans une époque précise, en analysant de cette époque les réalités quotidiennes. Tous les peuples " civilisés " faisaient de la traite, avaient des comptoirs de vente d’esclaves en Afrique… Et les esclaves étaient achetés contre des paquets, grands ou petits, faits de draps français, entre autres… La traite des Africains a permis ainsi de faire la richesse des armateurs, des possesseurs de plantations au large de l’Amérique, mais aussi d’industriels et d’artisans français, de l’Etat, donc !
Ce livre, certes, est didactique… Mais pas seulement ! C’est aussi un livre qui construit des ponts avec notre aujourd’hui, un livre qui nous fait réfléchir à ce qu’une société peut, en toute bonne foi, considérer comme " normal ", un livre qui parle de la valeur de la liberté… Un livre qui se lit facilement : ce n’est pas une thèse universitaire, c’est un docu-bd, tout simplement, et un docu-bd vraiment réussi.
Jacques Schraûwen