Partons pour une Amérique en noir et blanc. Mais surtout, en noir ! Nous sommes dans les années skateboard et walkman, quelque part au fin fond des USA, dans un trou perdu parcouru de terrains vagues, de baraquements minables, de jeunes à la dérive et d’anciennes mines abandonnées…
Le dessin très charbonneux d’Alex W. Inker laisse plus de place au noir qu’au blanc dans ses images. C’est sombre, très sombre, il y a des ombres partout et la nuit n’est jamais loin. Le genre d’univers qui vous flingue définitivement le moral si vous démarrez la lecture un jour d’automne où la lumière peine à se frayer un chemin à travers le rideau de pluie.
Il y a des ambiances déliquescentes qui font de parfaits écrins pour de très bonnes histoires et qui finalement, nous fascinent irrémédiablement. ''Colorado Train'' en fait partie. Je n’ai pas voulu vous mentir sur la marchandise, on n’est pas chez les bisounours, mais je peux vous dire que ce gros roman graphique est une véritable claque. On y suit une bande d’adolescents dont la route va croiser le Mal incarné. Ce pourrait être un roman à la Maxime Chattam. Mais la différence, c’est précisément qu’il s’agit au départ d’un roman centré sur le rôle des adolescents. Ce n’est donc pas l’incarnation du Mal qui intéresse l’auteur du roman d’origine, le Français Thibault Vermot, mais le petit groupe d’adultes en devenir plongé dans des situations particulières. Alex Inker, qui avait déjà collaboré avec cet auteur, a bien saisi qu’il tenait là un sujet magnifique. Sa bande de grands gamins rebelles mais solidaires est à la fois touchante et terriblement vraie. On entre dans le récit sans l’ombre d’une hésitation. Et on en ressort presque halluciné après une traversée en apnée dans un tunnel noir où ce récit s’enfonce sans un regard en arrière.
''Colorado Train'' est un grand bouquin. Comme tous les livres d’Alex W. Inker, ai-je envie de dire. Spécialiste des adaptations littéraires et fasciné par l’Amérique, Inker, qui est Lillois, parvient une fois encore à adapter son graphisme pour que la forme épouse au mieux le fond. C’est sans doute la plus grande force de cet auteur qui, livre après livre, parvient à bâtir un univers furieusement original, explorant les tourments de l’âme humaine.
''Colorado Train'', par Alex W. Inker, paru chez Sarbacane