L’avortement va-t-il être (bientôt ?) dépénalisé en Belgique ? A ce stade, il est impossible d’y répondre clairement entre interprétations des uns et calculs politiques des autres. Une chose est sûre toutefois : le débat éthique de fond n’a pas pu avoir réellement lieu.
Marchandage
Traditionnellement quand le Parlement devait aborder une question éthique (avortement, euthanasie, mariage homosexuel, etc.), chaque député disposait d’une liberté de conscience, hors du carcan habituel des consignes de parti. Sans doute pour la première fois, la majorité fédérale actuelle a décidé de rompre avec cette pratique, sous la pression du CD&V et de la fraction ultra-conservatrice catholique de la N-VA.
Le débat a eu le mérite d’exister pendant plusieurs semaines en commission de la Chambre, alors qu’on a longtemps cru que la majorité, voulant éviter d’étaler ses dissensions, reporterait cette délicate question aux calendes grecques. De nombreux experts ont été entendus. Pratiquement tous, même ceux issus de la KUL ou de l’UCL, plaidaient non seulement pour une dépénalisation totale de l’avortement mais aussi pour réduire le délai de réflexion ou allonger le délai à 18 semaines comme aux Pays-Bas.
Les échanges se sont voulus constructifs, mais au moment de conclure, les marchandages politiques ont repris le dessus, imposant un compromis minimaliste sous pression de la fraction catholique conservatrice de la coalition fédérale, très loin de tout ce que les acteurs de terrain pouvaient prôner.
Symbolique et toujours pénalisé
Dès lors, plutôt que de déposer un texte sur base des travaux parlementaires, les principaux ténors de la majorité se sont mis discrètement d’accord sur un texte… qui n’existe pas encore ! Il faut donc se limiter aux déclarations des uns et des autres.
Si l’avortement semble bel et bien sorti du Code Pénal, toute femme qui enfreindrait le délai de réflexion de six jours ou recourrait à un avortement au-delà de 12 semaines serait toujours sanctionnée… pénalement ! A présent, entre un mois et un an de prison.
De plus, eu regard à cette mini-avancée, le CD&V obtient "en échange" le soutien à sa volonté d’accorder au fœtus un statut particulier. Un premier pas vers une restriction du droit d’avorter pour les femmes, prédisent les détracteurs.
Le véritable débat sur la dépénalisation a finalement été confisqué. La cohésion de la majorité était à ce prix et tant pis pour l’éthique ou la condition de la femme.