Le IN a tellement déçu la presse française "envoyée spéciale" à Avignon que le Monde publie la liste d’une dizaine de spectacles du OFF parmi les 20 meilleurs, IN et OFF inclus, dont le "Final Cut" de Myriam Saduis, à la Manufacture. Et la correspondante de Libération, Eve Beauvallet découvre un nouvel œuf de Colomb : "très récemment, dit-elle, de nouveaux théâtres ont éclos proposant une programmation de qualité". Et de citer le Gilgamesh/Belleville, succursale d’un petit théâtre parisien (2017) et le Train bleu, succursale du Lucernaire parisien (2018).
Elle accorde dans la foulée le même hommage (l’accueil à la création contemporaine) à La Manufacture, franco-belge, fondée en... 2001. Rien sur les Doms (2002) avec les mêmes objectifs mais belgo-belge. Bref, l’axe Paris/Avignon est toujours ce qu’il était. Pascal Keiser, directeur de la Manufacture, n’est pas mécontent de la pub de Libération mais s’amuse d’être considéré comme "émergent" après 18 ans de présence.
"Je pense, en toute humilité qu’on a eu un rôle de modèle depuis 2001. Le fait qu’il y ait depuis 2 ans des lieux nouveaux dans notre sillage (le Train bleu, le Gilgamesh), ça crée, avec le Théâtre des Doms et quelques autres comme le Théâtre des Halles, une masse plus importante pour le théâtre contemporain. C’est un peu l’histoire du restaurateur qui en voit un autre arriver en face, et finalement c’est bénéfique pour les deux. Ça accroît le trafic dans la rue, ça amène plus de clients des deux côtés. C’est du Win Win. C’est positif qu’on puisse renforcer collectivement la position de la création contemporaine."
Avec une précision :
"On n’est pas en concurrence mais en complémentarité par rapport aux Doms grâce à notre grand plateau, la Patinoire. Complémentarité aussi pour la danse puisque les Doms programment un spectacle par an alors que la demande des compagnies est plus nombreuse, et donc nous les accueillons".
Cette année le spectacle de Myriam Saduis, "Final Cut" a reçu les éloges conjugués de Mediapart (JP Thibaudat), L’Humanité, Le Figaro et Le Monde (Fabienne Darge). Mais sans presse "nationale" française LUCA d’Hervé Guerrisi & Grégory Carnoli et "Histoire de l’imposture" de la Cie Mossoux Bonté ont récolté de beaux succès. À Avignon les lieux tiennent d’ailleurs davantage leur force des programmateurs que de la presse. Or sur 35000 entrées à la Manufacture il y a 12000 entrées de programmateurs, qui viennent voir 3 à 4 spectacles.
"Donc 3 à 4000 programmateurs amènent 700 et 900 ventes (moyenne annuelle), ce qui est un ratio très important. Chaque jour 2 ou 3 spectacles programmés à la Manufacture tournent en France, en Belgique, partout dans le monde, tous les jours de l’année. Nous avons donc un impact énorme sur les tournées, les cachets d’artistes et de techniciens."
Toujours en recherche d’extension et de nouveauté Pascal Keiser lance cette année une d’ouverture vers le Festival d’Édimbourg et son "Fringe" à Summerhall.
" Il représente 200 000 entrées, 6 fois la billetterie la Manufacture, près de 2 fois celle du IN à Avignon. En tant que francophones on oublie qu’Avignon n’est pas le plus grand festival de théâtre du monde. Édimbourg c’est une ville de 300 à 400 000 habitants, par rapport aux 15 000 du centre d’Avignon. Un peu poussés dans le dos par des artistes passés dans les deux lieux et qui leur trouvaient des points communs, on a entamé des discussions sur nos projets artistiques et la nécessité de casser l’étanchéité des mondes francophone et anglo-saxon. On va donc inviter 2 ou 3 projets du monde anglophone par an à Avignon, et vice versa. Les francophones jouent en anglais, ou sont surtitrés, mais il y a aussi des spectacles de danse ou de musique. On veut créer une dynamique en s’ouvrant à un contexte anglophone et réciproquement.