Il y a eu hier soir une belle prise de risque en Cour d’Honneur avec "Story Water", mettant la musique contemporaine (Pierre Boulez, le mathématicien et Rebecca Saunders, la révoltée) au centre d’une heure austère et passionnante. L’Ensemble Modern, une phalange renommée et le chorégraphe Emanuel Gat ont ensuite consacré quelques minutes à parler politique (le sort de Gaza) puis folklore (une composition en forme de "récréation" pour les danseurs, co-signée par les deux protagonistes).
C’est la troisième réussite (même avec quelques "bémols" pour le final) de la programmation danse, assez remarquable cette année avec Sasha Waltz ("Kreatur") et François Chaignaud ("Romances inciertos"), sans compter quelques grosses pointures (pas vues) comme l’Espagnole Rocio Molina ou l’Allemand Raimund Hoghe, le dramaturge de Pina Bausch.
Critique : ***
Le point de départ de "Story water" est un poème soufi qui vante l’eau qui "porte les messages entre le feu et ta peau ", une métaphore à plusieurs interprétations. Le corps des danseurs et/ou la musique sont eux aussi des "porteurs d’eau" qui nourrissent l’imaginaire collectif du groupe danseurs/musiciens, en échange constant, actif, sur pied d’égalité dans cette Cour d’Honneur. Les musiciens de l’Ensemble Modern font plus que partager la scène, ils l’occupent à part égale avec les danseurs et sont éclairés comme eux dans un long " plein feu " solaire. Une mise en espace qui permet soit d’observer la construction progressive de cet échange, soit d’écouter et "voir" la musique de Boulez (" Dérive 2 " pour 11 instruments) ou de Rebecca Saunders ("Fury 2" pour contrebasse solo et ensemble) interprétée par ce merveilleux ensemble de Francfort. Une qualité "Ars Musica" qu’on n’attend pas en Cour d’Honneur et qui m’a personnellement ravi mais a fait fuir une(très) petite partie du public de la première. Face à nous, deux groupes de 5 danseurs (3 femmes, 2 hommes) en tenue blanche, commencent par faire leurs gammes avec des gestes simples, répétitifs et légèrement différents d’un groupe à l’autre. Ce qui permet de repérer à la fois la "grammaire" des gestes et les qualités individuelles.