Le Comité consultatif de Bioéthique de Belgique vient de rendre son avis à propos des enjeux éthiques liés à la vaccination obligatoire de la population adulte en période de pandémie. C’est à la demande du Ministre fédéral des Affaires sociales et de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, que l’organe s’est saisi de cette question.
"Si et seulement si…"
L’avis contient une vingtaine de pages et se conclut sur de solides réserves. Trois conditions strictes (dont l’une au moins n’est pas remplie, selon le Comité) rendraient acceptable au plan éthique une vaccination obligatoire dans le cadre de la pandémie actuelle : "Si et seulement si cela est nécessaire pour mettre en place une stratégie globale de réduction des risques permettant de protéger la société comme les personnes ; les incertitudes scientifiques présentes actuellement sont levées ; certaines conditions transversales d’équité, de transparence et de légalité sont rencontrées".
D’abord lever les incertitudes trop importantes
Tout d’abord, "la vaccination obligatoire ne peut être mise en œuvre en urgence", estime le Comité. Elle ne sera donc pas utile pour répondre à la 4e vague. Et surtout, "avant toute mise en œuvre de la vaccination obligatoire, il faut lever les incertitudes scientifiques actuellement trop importantes", à propos de différents sujets :
- La protection que confèrent les vaccins existants contre les variants en circulation, et notamment le variant Omicron ;
- La durée de la protection et le schéma vaccinal à définir ;
- La définition des groupes cibles (tout le monde, ou les "groupes à risque" ?) ;
- La façon dont cette stratégie vaccinale s’articule avec les autres mesures de santé publique, à la fois sur le plan préventif et curatif (si les options thérapeutiques deviennent plus nombreuses et disponibles).
Pas cibler les personnes fragiles
Le Comité estime qu’il serait acceptable de faire prévaloir la solidarité sur la liberté individuelle, qui sont toutes deux des valeurs fondamentales de notre société.
Mais il n’est pas favorable à ce que la vaccination obligatoire ne concerne que les personnes fragiles, pour des raisons de solidarité : "la protection des plus fragiles doit en effet reposer sur une solidarité collective", dit-il.
Et si la vaccination devait évoluer vers une vaccination à destination des seuls publics fragiles, le Comité recommande que cela reste volontaire, comme pour la grippe.
Réévaluer l’usage du Covid Safe Ticket
Sur la base des incertitudes citées plus haut, le Comité demande aussi à ce que soit réévalué l’usage actuel du Covid Safe Ticket, "qui peut donner une impression de fausse sécurité aux personnes vaccinées dont la vaccination remonte à plusieurs mois".
Pas de priorité des soins aux vaccinés
Dans l’hypothèse d’une vaccination obligatoire, il serait indispensable de la mettre en œuvre "de façon transparente et loyale dans une loi" qui définirait "des sanctions proportionnées et équitables", à savoir qu’il serait "inacceptable au plan éthique" de mettre en œuvre toute contrainte physique visant à soumettre de force un individu à la vaccination, ou toute restriction de l’accès d’une personne non vaccinée à des soins adéquats et de qualité, qu’ils soient urgents ou non, sur la base de son seul statut vaccinal.
Ce n’est pas tout : cette loi devrait aussi définir "le régime d’indemnisation qui prévaudra en cas de dommage causé par la vaccination obligatoire" et "dans quelles circonstances la preuve de son obtention peut être demandée et qui peut légitimement procéder à la vérification de son obtention".
"Vivre avec le virus"
Avec plus de trois quarts de la population belge aujourd’hui vaccinée sur une base volontaire, le Comité observe que l’immunité collective n’est peut-être pas atteignable, "mais qu’il peut être nécessaire de 'vivre avec le virus'" pour réduire les risques d’hospitalisation et de décès, les risques pour les équipes soignantes de devoir faire face aux dilemmes éthiques, les risques pour la médecine de première ligne et ceux associés à l’émergence possible de nouveaux variants.
Dans un climat de confiance
A la fois, les citoyens ont confiance dans la vaccination, puisque trois quarts d’entre eux sont vaccinés, et à la fois, on assiste à une polarisation croissante de la société, note le Comité consultatif.
Il conclut que quoi qu’il advienne, "les citoyens devront en outre être informés de façon claire et adaptée afin que le recours à la vaccination obligatoire, s’il était décidé, puisse avoir lieu dans un climat de confiance à l’égard de vaccination contre le Covid-19 mais aussi vis-à-vis de la politique générale de vaccination."