Un jour dans l'histoire

Aux origines de l’alchimie, de Nicolas Flamel à Manneken Pis

Par Johan Rennotte via

Science occulte ou discipline rigoureuse à la base de la chimie moderne, beaucoup de lieux communs ont été émis à propos de l’alchimie. On en déconstruit quelques-uns et on remonte à ses origines avec l’invité d’Un jour dans l’Histoire, Arnaud de la Croix, philosophe et conférencier, auteur du livre Alchimie – Histoire et actualité paru aux éditions Jourdan.

Que connaissons-nous de l’alchimie ? Pas grand-chose si l’on en croit l’image que l’on s’en fait encore aujourd’hui. La discipline est associée au répertoire de la magie, du secret, des apprentis sorciers en quête de miracles.

Pourtant, l’alchimie a bel et bien été développée comme une science naturelle, a milles lieues des caractéristiques ésotériques qu’on lui prête encore aujourd’hui. Mais il est certain qu’elle est empreinte de mystère, dès sa création. De ce que l’on en sait, l’alchimie est apparue durant l’Antiquité, indépendamment dans trois endroits différents : la Chine, l’Inde et l’Egypte ancienne. C’est à partir cette dernière qu’elle finira par atterrir en Europe via les érudits Arabes, durant le Moyen-Âge.

Contrairement à ce que l’on entend souvent, l’alchimie ne cherche pas à mélanger des potions magiques en observant les astres. Elle se manifeste dans trois objectifs bien concrets. On cherche à connaître les propriétés chimiques et physiques des métaux et de leur fusion. On pense en effet qu’un métal peut, sous certaines conditions, se transformer en un autre. Cela voudrait dire que l’on peut transformer le plomb en or, fantasme ultime pas forcément partagé par les alchimistes.

Ensuite, il y a une portée médicale, avec notamment la recherche de l’allongement de la vie en trouvant des remèdes grâce à la composition des plantes. Enfin, il y a une démarche spirituelle indispensable, en pleine période où la religion est incontournable. D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, l’alchimie n’est pas interdite par l’Église médiévale. Une certaine méfiance s’est tout de même installée dans une partie de l’opinion publique, car on craignait que les alchimistes fassent usage de leur don (pourtant inexistant) de transmutation des métaux pour falsifier des monnaies avec du faux or.

Quelques illustres alchimistes…ou peut-être pas

Nicolas Flamel

L’Histoire a retenu quelques grands noms de l’alchimie, parfois à tort. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute Nicolas Flamel. Popularisé par J.K. Rowling qui en a fait un personnage pivot de son premier roman dans la saga Harry Potter, il est rattaché au mythe de la pierre philosophale censée apporter soit vie éternelle soit richesse en changeant le plomb en or, de vieilles marottes alchimiques. Mais l’homme, s’il a vraiment existé, n’était vraisemblable pas alchimiste. Il était copiste, et excellait tant dans son métier que sa fortune en aurait été considérable. De quoi poser question, et lancer les rumeurs : comment gagner autant d’argent si ce n’est en changeant le métal en or précieux ?

Autre suspect célèbre, Jacques Coeur, ministre des finances du roi Charles VI (le roi couronné par Jeanne D’Arc durant la Guerre de Cent Ans), ayant fait fortune dans la métallurgie. Richesse et métaux ? De quoi attirer les rumeurs une fois de plus.

Philippe le Bon, duc de Bourgogne, n’était quant à lui pas alchimiste, mais son intérêt pour cette science est bien connu. L’Ordre de la Toison d’Or, qu’il a créé, y ferait d’ailleurs directement référence.

On a également taxé une grande partie des peintres flamands de partisans de l’alchimie. Leur utilisation de produits à base d’éléments naturels, et les innovations matérielles qu’ils font dans le domaine de la peinture suffisent à les rapprocher de la discipline. C’est par exemple le cas de Jan Van Eyck, auteur de l’Agneau Mystique, toile qui serait remplie de références alchimiques.

L’alchimie est parfois là où on l’attend le moins. Manneken Pis lui-même, inauguré sous le règne des ducs de Bourgogne, est lié à l’alchimie. La figure du personnage de petit garçon qui urine n’est pas uniquement un symbole bruxellois, mais est aussi répandue ailleurs à l’époque. Il serait l’allégorie alchimique du mercure.

Bref, l’alchimie a une longue histoire, émaillée de figures toutes plus ou moins impliquée dans les progrès de la science et des techniques. Le 17e siècle sera celui de son l’âge d’or, mais également le dernier dans lequel elle sera réellement pratiquée. En 1789, Lavoisier publie un traité de chimie qui va sonner le glas de l’alchimie, à qui la science moderne doit pourtant ses fondements. Une histoire que nous raconte Arnaud de la Croix dans son livre, et au micro de Laurent Dehossay.

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