"Auf wiedersehen Frau Merkel !" : ces 2,8 millions de jeunes Allemands qui n'avaient connu qu'Angela au pouvoir

Par Natalie Massart

Ils n’ont connu qu’elle à la chancellerie, mais, pour la première fois de leur vie, 2,8 millions de jeunes Allemands ont pu participer à l’élection qui permettra de désigner le successeur d’Angela Merkel. Un moment historique pour l'Allemagne et un saut dans l’âge adulte pour ces jeunes. De l’ère Merkel, ils dressent un bilan mitigé. Critique envers son héritage politique mais respectueux envers sa personne.

Respect

Julian Schweizer, 18 ans, Göppingen
Julian Schweizer, 18 ans, Göppingen © Natalie Massart / RTBF

"Madame Merkel a un charisme tranquille. Quand elle entre dans une pièce, vous savez devant qui vous vous tenez. Elle est prise au sérieux."

Julian Schweizer avait à peine deux ans quand Angela Merkel est arrivée au pouvoir mais à dix-huit, ce jeune militant du camp adverse, les jeunesses socialistes, garde un immense respect pour la dirigeante. "Elle a dirigé le pays très solidement, même en temps de crise, on se souviendra d’elle pour sa volonté et ses solides performances, même si les choses auraient pu se passer différemment parfois. On se souviendra de vos réalisations Madame", lance-t-il face à l’objectif.

Les libéraux du FDP et les verts (Die Grünen) ont gagné les faveurs des primo-votants, suivis des socialistes du SPD et avec 10%, en queue de peloton, des chrétiens-démocrates d’Angela Merkel et ses alliés bavarois (CDU/CSU). Des résultats qui traduisent l’envie de changement de la jeunesse allemande.

Wir schaffen das, nous y arriverons !

Georgios Gemitzis, 20 ans, Göppingen.
Georgios Gemitzis, 20 ans, Göppingen. © Natalie Massart / RTBF

Giorgos Gemitzis est l’un de ces jeunes désireux de changement. Fils d’immigrés grecs installés à Göppingen dans la région de Stuttgart, il rêve de travailler à la mairie pour aider les étrangers dans leur parcours d’intégration. Déchiré entre ses deux patries pendant l’épisode de la crise grecque, il porte un regard philosophe sur la politique et se sent fier de pouvoir user de son droit à participer enfin à des élections démocratiques. Parce que, dit-il, "il ne faut pas oublier que l’Allemagne a connu des temps plus difficiles et que l’AFD (Alternative für Deutschland, parti d’extrême-droite) est entré au Bundestag en 2017".

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C’est cette phrase, "Wir schaffen das !", prononcée par Angela Merkel à l’été 2015 comme slogan de sa politique d’accueil, que Georgios n’a pas oubliée. Il avait 14 ans : "C’est une phrase que je n’oublierai jamais. 'Nous pouvons le faire.' C’était une situation vraiment très difficile. Des gens, dont certains avaient peur pour leur vie, voulaient juste vivre protégés et elle a dit que nous pouvions le faire. C'est une chose qui restera avec moi. Cette humanité. Bien sûr qu’il faut aider les gens en fuite, c’est juste humain. Le sujet était vraiment tabou, les opinions complètement différentes en Europe. Mais Angela Merkel a prononcé cette phrase et a fait ce qu’il fallait faire."

D’Angela Merkel, Pawel ne garde pas un bon souvenir

  Pawel Bechthold, 18 ans, Karlsruhe.
Pawel Bechthold, 18 ans, Karlsruhe. © Natalie Massart / RTBF

A Karlsruhe, Pawel Bechthold se montre beaucoup plus critique. Il a voté pour la gauche radicale (Die Linke) parce que, sur la question du climat notamment, il avait peur de voir les choses empirer avec Armin Laschet, le candidat d’Angela Merkel et de la CDU. "Et aussi , s’empresse-t-il d’ajouter, parce que je pense que Die Linke font ce qu’ils disent contrairement aux autres partis."

Il nous a donné rendez-vous au Klima Camp installé depuis des mois dans les allées du château très baroque qui fait la fierté de la ville. Engagé très tôt en politique, il organise depuis quatre ans les marches des Fridays For Future. "Avec Fridays For Future, j'ai pu rencontrer plein d'autres personnes qui avaient envie comme moi de lâcher la colère en eux ; ça m'a fait tellement de bien. J'ai remarqué que quand on fait équipe et qu’on se montre efficace, ça donne beaucoup de force, on peut réellement changer les choses."

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"Je me souviendrai d'elle comme d’une femme qui a eu beaucoup de pouvoir et l’a gardé longtemps. Mais qui ne l'a pas utilisé pour faire quoi que ce soit de bien, plutôt, au contraire, pour laisser aller les choses comme elles sont ou parfois même les laisser empirer. Je me souviendrai d'Angela Merkel comme de la chancelière qui a eu beaucoup de temps pour faire quelque chose faire contre la crise climatique, mais ne l'a pas fait."

Mariage homosexuel

Anna-Lena Miletic, 18 ans, Stuttgart.
Anna-Lena Miletic, 18 ans, Stuttgart. © Natalie Massart / RTBF

A Stuttgart, Anna-Lena pense aussi que le gouvernement Merkel n’a pas assez fait pour le climat. Mais elle est aussi révoltée par les inégalités sociales et la pauvreté. Fille d’immigrés croates, "l’Allemagne est mon pays, dit-elle, et j’ai beaucoup d’espoir pour l’avenir. J’aimerais que le futur chancelier prenne tout le monde en compte. Que tous, quels que soient les personnes, leur race, leur sexualité, leur genre, leur salaire, que tous soient représentés et défendus".

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"J’avais quatorze ans quand je me suis pour la première fois intéressée à la politique. Toute l’Allemagne débattait du mariage homosexuel. C’était un tel événement. On en discutait partout, sur internet, dans les journaux, à la télévision partout. Et puis je me souviens juste qu'Angela Merkel ne donnait aucun avis, que son parti n’était pas tout-à-fait d’accord mais qu’au final, quand la loi est passée, elle était satisfaite. J'ai du respect pour cette attitude. Dans ce cas précis, je pense qu'elle a fait la démonstration du concept de démocratie."

Angela Merkel laisse sa place après 16 années au pouvoir. Les jeunes, qui n’ont connu qu’elle, rêvent d’une Allemagne plus en phase avec leur génération. Une Allemagne mieux représentée dans sa diversité et plus volontaire dans sa lutte pour la protection du climat, contre les inégalités, pour les droits humains… Ils l’ont fait savoir aux législatives de dimanche.

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