Regions

Auderghem : Didier Gosuin quitte son mayorat après 45 années de mandats exécutifs sans interruption

Didier Gosuin passe le relais à Sophie de Vos ce mardi 29 mars.

© Tous droits réservés

Par Karim Fadoul

Didier Gosuin annonce son retrait de la politique

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Ce mardi, Didier Gosuin (DéFi) passe officiellement la main en tant que bourgmestre d’Auderghem. Sophie de Vos (DéFI) prêtera serment à 10 h 30 entre les mains du ministre bruxellois des Pouvoirs Locaux, Bernard Clerfayt, en tant que nouvelle bourgmestre de l’entité aux 35.000 âmes. Une commune que Didier Gosuin aura dirigé pendant plus de 27 ans, lui qui totalise par ailleurs 45 années de mandats exécutifs locaux et régionaux.

"Pendant plus de 45 années, j’ai consacré mon combat politique à construire avec d’autres une Région bruxelloise, forte et digne.
J’ai œuvré à faire d’Auderghem une commune où il fait bon vivre et exemplaire en termes de bonne gestion des finances publiques
", écrit Didier Gosuin sur Facebook. "Ma carrière politique active s’arrête donc même si j’exercerai encore le mandat de président du conseil communal d’Auderghem et de président de l’ASBL association artistique d’Auderghem qui gère le centre culturel ainsi que le centre d’art de Rouge-Cloître."

Il précise encore : "A l’avenir, je dédierai mon temps libre à la défense de la Démocratie et je vous invite à rejoindre mon mouvement D21."

Loading...

A l’occasion de ce passage de témoin, le site rtbf.be a décidé de republier un article datant de janvier 2018, passant en revue la longévité politique de Didier Gosuin, unique dans le sérail bruxellois.

Plus de 40 ans de mandats exécutifs sans discontinuité

Un record pour un homme politique bruxellois encore en activité. En cette année 2018, Didier Gosuin totalise 41 années de mandats exécutifs, sans discontinuité. Une longévité sans pareille au cours de laquelle l’Auderghemois, aujourd’hui âgé de 65 ans, aura occupé des postes d’échevin, bourgmestre, secrétaire d'Etat et ministre.

Avec sa carrière entamée au sein du collège de la petite commune du sud-est, il relègue derrière lui (parfois loin derrière) des Charles Picqué (PS), Philippe Moureaux (PS), Eric Tomas (PS), Vincent De Wolf (MR), des éléphants sur leurs terres.

Aujourd’hui disparue, une personnalité de la capitale a fait mieux : Guy Cudell, bourgmestre PS de Saint-Josse de 1954 à 1999. Feu Jos Chabert (CVP) a été échevin à Meise dès 1965 avant d’être plusieurs fois ministres, avec des périodes d’interruptions (entre 1981 et 1994). En Wallonie et toujours actif, Claude Eerdekens est échevin ou bourgmestre (à Seilles et Andenne) ou ministre depuis 1976. A Dison, Yvan Ylieff (PS) règne sur sa commune depuis 1973. En Flandre, la longévité d’Herman De Croo (Open VLD) à des postes exécutifs s’est étalée sur une trentaine d’années quand sa carrière parlementaire a duré 50 ans.

Échevin à 25 ans, secrétaire d'Etat à 37 ans

À Bruxelles, Didier Gosuin serait donc un cas à part. Il est élu conseiller communal en 1976. Il a 25 ans. A son âge, les jeunes adultes dansent sur "Don’t go breaking my heart" d’Elton John et Kiki Dee ou "Hotel California" des Eagles. L’année suivante, il est désigné échevin par le bourgmestre Lucien Outers.

Ses premières compétences vont correspondre à son profil : la Jeunesse et la Culture. Auderghem n’est pas le mastodonte "Ville de Bruxelles" mais il y a de quoi faire au Rouge Cloître, au Centre culturel, auprès des associations… Le 12 octobre 1982, il s’offre un quart d’heure médiatique : il est invité dans l’émission "Plein Jeu" d’Arlette Vincent sur la RTBF, pour parler d’une exposition.

Archives : Didier Gosuin lors de son premier passage télé à la RTBF, en 1982 (Sonuma)

Didier Gosuin dans l'émission "Plein jeu" d'Arlette Vincent, en 1982 (Sonuma)

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Au FDF, ce parti qui n’a même pas quinze ans, Didier Gosuin se fait une notoriété et une crédibilité en marge des Spaak, Clerfayt (père), Lagasse et… Outers. En 1989, c’est lui qui va incarner la relève au sein du premier gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Il quitte son poste d’échevin pour devenir secrétaire d'Etat. En 1991, il devient ministre du Logement et de l’Environnement. En 1994, les élections communales le propulsent à la tête de sa commune, Auderghem, où il succède à Robert Dept.

Bourgmestre empêché en 1994

Empêchement oblige, il ne peut officiellement diriger le collège communal. Des bourgmestres faisant fonction feront le job, sous le regard attentif du "boss". Le premier f. f. s’appelle Georges Defosset, une figure amarante, qui assure l’intérim de 1994 à 2004. Cette année-là, la fédération PRL-FDF devenue MR est jetée dans l’opposition régionale bruxelloise par une coalition PS-cdH-Ecolo. Didier Gosuin, simple député, est contraint de redescendre à temps-plein sur Auderghem. Le purgatoire va durer dix ans avec un moment de satisfaction en 2012 et une nouvelle victoire aux communales. En 2014, le FDF, qui a divorcé du MR réintègre la majorité régionale et Didier Gosuin redevient ministre (sous Rudi Vervoort, son cinquième ministre-président). Il doit installer un nouveau bourgmestre faisant fonction, Christophe Magdalijns.

Lors des élections communales d’octobre prochain, Didier Gosuin aura 66 ans et conduira sa Liste du Bourgmestre. L’année suivante, après le scrutin régional – son septième d’affilée -, le taulier se verrait bien poursuivre au sein de l’exécutif régional en cas de renouvellement de l’alliance politique actuelle. Mandat complet ou demi-mandat ? Sa longévité politique continuera en tout cas à prendre de l’âge, jusqu’à l’établissement d’un nouveau record.

Didier Gosuin, en 1989, dans le premier gouvernement régional bruxellois.
Didier Gosuin, en 1989, dans le premier gouvernement régional bruxellois. © BELGA
Le deuxième gouvernement Picqué, en 1994. Didier Gosuin est à sa droite.
Le deuxième gouvernement Picqué, en 1994. Didier Gosuin est à sa droite. © BELGA
Didier Gosuin, dans le gouvernement Simonet, en 1999.
Didier Gosuin, dans le gouvernement Simonet, en 1999. © BELGA
Didier Gosuin dans le gouvernement de Donnea (2000-2003).
Didier Gosuin dans le gouvernement de Donnea (2000-2003). © BELGA
Didier Gosuin dans le gouvernement Ducarme, en 2003.
Didier Gosuin dans le gouvernement Ducarme, en 2003. © ETIENNE ANSOTTE – BELGA
Le gouvernement PS-DéFI-CDH, installé en 2014.
Le gouvernement PS-DéFI-CDH, installé en 2014. © BELGA

Trois voire quatre législatures communales en général

Pour Régis Dandoy, politologue à l’ULB, la trajectoire de Didier Gosuin présente un profil particulier. "Il y a beaucoup de bourgmestres qui font toute leur carrière dans une commune et parallèlement dans un exécutif en Région ou au Fédéral. Mais cela dure trois voire quatre législatures maximum au niveau local, soit 18 ou 24 ans. Lorsque cela dépasse les 30 ou 40 ans, c’est vraiment extraordinaire. C’est parfois beaucoup plus que certaines carrières dans des professions traditionnelles, en dehors de la politique".

Pour Jean Faniel, politologue au CRISP (Centre de recherche et d’information socio-politiques), "ce qu’il faut remarquer, c’est que la carrière de Didier Gosuin a évolué : échevin puis bourgmestre, secrétaire d'Etat puis ministre. Aujourd’hui, c’est le doyen du gouvernement bruxellois et le vrai numéro 2. Cela n’existe pas à Bruxelles mais il est de facto le Vice-ministre-président du gouvernement".

"En occupant des mandats exécutifs, même locaux, Didier Gosuin préfère agir que subir, estime Régis Dandoy. Au niveau de l’intensité et l’attention que réclame un mandat exécutif par rapport à un mandat législatif, c’est différent. Occuper un mandat exécutif est plus valorisant et cela permet surtout de voir ses propres décisions appliquées et de changer le quotidien des citoyens. Quand on occupe un mandat législatif, on est là pour rédiger des lois ou alors, on est dans l’opposition. La capacité de changer les choses est moindre".

Didier Gosuin prête serment en tant que bourgmestre d’Auderghem, en 2006.
Didier Gosuin prête serment en tant que bourgmestre d’Auderghem, en 2006. © BELGA

Une capacité d’adaptation

Autre constante, une capacité d’adaptation. Jean Faniel : "Il a été au pouvoir avec les libéraux, avant de tomber dans l’opposition avec eux. Puis il revient au pouvoir sans eux. Il faut noter également que c’est un homme de l’appareil FDF-DéFI. Sa gestion journalière convient à son parti qui lui fait systématiquement confiance. En 2014, pour Olivier Maingain, choisir Didier Gosuin comme ministre était une évidence".

Régis Dandoy voit plutôt la mise en avant, par le président du parti, d’un courant interne différent. "Olivier Maingain aurait pu s’auto-désigner ministre, à plusieurs reprises, à Bruxelles. Mais il a préféré effectuer d’autres choix de carrière", rappelle Régis Dandoy. "En désignant Didier Gosuin, il choisit aussi une autre faction de son parti", question de contenter les représentants des différentes tendances idéologiques. "Et attirer d’autres électeurs" par la même occasion.

Didier Gosuin provient d’un petit parti à l’échelon national et d’une petite commune (33 000 habitants). Et pourtant, d’après Régis Dandoy, "venir d’une petite commune favorise la stabilité dans des fonctions d’échevin ou de bourgmestre. Dans une petite commune, il y a moins de mobilité et moins de concurrence. Au niveau gouvernemental, le cas de Didier Gosuin reste singulier puisque pour devenir ministre, la concurrence au sein de son propre parti est plus importante. Des députés, échevins, bourgmestres rêvent également de devenir ministres. Et puis il y a l’instabilité ministérielle qui peut vous pousser à la démission à n’importe quel moment". Didier Gosuin semble avoir traversé tous ces écueils.

Didier Gosuin, en 1998 avec "Louis", la mascotte de Bruxelles Propreté.
Didier Gosuin, en 1998 avec "Louis", la mascotte de Bruxelles Propreté. © BELGA

Des rivaux ? En interne

Pour l’analyste du CRISP, il faut également observer une donnée. "Didier Gosuin, avec sa position centriste, fait consensus après de la population d’Auderghem avec des scores électoraux personnels très importants (NDLR : 5234 voix en 2006, 5427 en 2012, cinq fois plus de voix que le numéro 2). Dans d’autres communes bruxelloises, des figures réputées indéboulonnables ont fini par chuter comme Martine Payfa à Watermael-Boitsfort, écartée par d’autres formations politiques".

A Auderghem, l’opposition Ecolo, PS et CDH + ne pèse pas lourd avec sept sièges sur 31. Même des détracteurs historiques comme Jean-Claude Vitoux ont fini par rejoindre le camp Gosuin. Pour faire tomber le dinosaure, la fronde ne pourrait venir que de l’interne. En 2006, le MR Alain Destexhe a tenté un coup de poker en lançant sa propre liste, osant attaquer de front le roi d’Auderghem. Échec !

Reste enfin l’image de "l’homme intègre". "Didier Gosuin n’a jamais été mis en cause dans une affaire politique, dans des polémiques. Il renvoie l’image d’un mandataire exemplaire, respectueux et respectable, d’un bon gestionnaire. Il ne polarise pas et peut s’allier avec tout le monde", ajoute Jean Faniel.

Même son de cloche pour Régis Dandoy, politologue à l’ULB : "Il a cette image d’homme politique au-dessus du lot. Il va prendre de la distance, il ne se mêle pas aux combats de boue. Il n’a jamais été mouillé dans des scandales. Cela semble aider pour la longévité en politique".

Didier Gosuin, en 1990.
Didier Gosuin, en 1990. © BELGA

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous