Décriés par une population craignant la contamination, pourchassés par les policiers chargés de faire appliquer le couvre-feu, les enfants et adolescents qui vivent dans les rues de Dakar se tournent vers une association pour reprendre des forces et échapper au coronavirus.
Dans la capitale sénégalaise, ville de plus de trois millions d'habitants où résidences de luxe côtoient des quartiers surpeuplés, ils sont des centaines, voire des milliers, parfois âgés de cinq ans à peine, à vivre dans la rue.
Ils ont rompu avec leur famille, fui les maltraitances d'un maître coranique ou rejoint la rue simplement par "soif de liberté", explique Cheikh Diallo, l'un des responsables de Village Pilote, une association franco-sénégalaise qui leur vient en aide depuis près de 30 ans.
Ils vivent de petits boulots, de larcins ou de mendicité, dormant à même la rue ou dans des immeubles en construction.
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Mais depuis que le coronavirus a fait son apparition dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, contaminant quelque 300 personnes et causant la mort de deux d'entre elles, "la mendicité, ça ne marche plus", explique Bamba Seck, 18 ans.
Ce jeune homme aux traits juvéniles passe d'habitude ses journées et ses nuits près du Palais de justice et de la prison de Rebeuss, aux portes du centre historique et administratif de Dakar.
A l'ombre des acacias
Dans un pays où une rumeur de contamination peut rapidement enflammer un quartier, les gens ont "commencé à se méfier de nous" quand "un gars (du voisinage) a été soupçonné d'avoir attrapé le coronavirus", raconte Bamba, assis à l'ombre d'un acacia du centre d'hébergement de l'association Village Pilote.
Comme une centaine d'autres enfants de la rue, il s'est réfugié il y a quelques jours dans ce vaste domaine aux allures de camp de vacances, implanté dans un paysage de dunes, de baobabs et de fromagers à proximité du Lac Rose, à une heure de route au nord de Dakar.
Dans la capitale, les restaurants qui offraient à ces jeunes démunis un peu de nourriture sont fermés ou tournent au ralenti depuis près d'un mois. Et les passants qui leur faisaient l'aumône se détournent d'eux, explique un responsable de l'association, pour qui ils vivent une "galère" sans précédent.
Les jeunes rencontrés par l'AFP se plaignent surtout d'être délogés sans ménagement de leurs "points de chute" habituels par les forces de l'ordre chargées de faire respecter le couvre-feu nocturne instauré dasn tout le pays.
"Ils jouent au chat et à la souris avec la police, ils se cachent, ils n'ont plus d'endroit où dormir... Ils sont très fatigués", souligne Cheikh Diallo, le responsable du village du Lac Rose.
Avec l'apparition du virus, l'association avait décidé de ne plus accueillir de nouveaux pensionnaires, pour éviter les contaminations. A la place, elle a organisé des distributions de vivres dans les rues de Dakar.