Notre avion décolle de Manchester, ce lundi soir, et j’ai un peu la tête qui tourne. Un mélange d’excitation et de sérénité, de fierté et de gratitude. Dans 15 jours, l’âge de la retraite fera de moi un "pensionné" et non plus un "journaliste sportif à la RTBF". C’est donc en quelque sorte mon "Pot de départ" que tu as offert aujourd’hui, avec ce dernier grand reportage.
Ma demande d’interview relayée par ton papa, Pierre
En septembre 2022, ne sachant comment te joindre, j’avais envoyé ce message à ton papa : "Pierre, je me permets de vous demander de jouer les facteurs auprès de Vincent. Je prends ma pension fin avril et j’aimerais une dernière interview exclusive avec lui avant cette échéance. Peu après ses débuts à City, en 2009, j’ai eu cette chance d’un entretien en tête à tête chez lui. C’est un de mes meilleurs souvenirs en tant que journaliste. Et Vincent est un des 2-3 sportifs pour lesquels j’ai le plus d’admiration et d’affection. Accepterez-vous de lui transmettre cette requête ? Merci d’avance…".
Deux jours plus tard à peine ton papa me répondait "c’est oui, mais on ne sait pas quand".
Depuis, j’ai piaffé d’impatience, un peu comme un gamin avant la St Nicolas. Il a fallu attendre 6 longs mois, mais tu as tenu parole, malgré un agenda overbooké en plein rush final vers le titre en Championship.
Malgré ton statut, tu te levais pour saluer les journalistes qui venaient vers toi
Le reportage dont je parle, c’était en 2009. Depuis 2008 et après ton passage à Hambourg, tu prenais ton irrésistible envol à Manchester City. Chez les Diables, tu faisais déjà office de valeur de référence, tant pour tes talents purement footballistiques que pour ton leadership et tes qualités humaines.
A ce propos, j’avais déjà relevé ceci : à l’occasion des voyages avec l’équipe nationale, à l’époque où journalistes et joueurs se côtoyaient à la porte d’embarquement avant de prendre l’avion, lorsqu’on venait te saluer, tu te levais. Cela pourrait paraître banal de ta part ou un peu bourgeois de la mienne, mais cela m’interpellait, d’autant que tu le faisais toujours avec ce regard franc, chaleureux et souriant qui te caractérise.
Pour en revenir à ce reportage de 2009, tu nous as reçus dans ton appartement (dont tu m’as rappelé tout à l’heure que tu le partageais déjà avec celle qui est aujourd’hui ton épouse), tu nous as consacré 2 heures de tournage et d’interview. En rentrant à la RTBF et en la réécoutant, j’ai constaté qu’il n’y avait rien à jeter, tout était intéressant. Cela m'avait impressionné.
2009 : Rencontre avec Vincent Kompany à Manchester City
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Aujourd’hui tu es beaucoup moins disponible mais tout aussi chaleureux et passionnant
Ce lundi, en m’accueillant au Centre d'entraînement de Burnley, tu ne m’as pas laissé le temps de te féliciter pour ton succès et te remercier pour l'invitation. C’est toi qui as lancé "Merci d’être là et bravo pour ta carrière". J’ai glissé un "Vincent tu inverses les rôles", tu as répondu "Moi j’ai encore tout à prouver". Incroyable ! Du Vince The Prince pur jus !
Autre anecdote significative : Après 29' d’entretien, Ellis Lee, ton Press Officer m’a signifié qu’il fallait conclure, comme prévu. Je t’ai dit "Vincent, il nous reste 1' d'interview, j’avais encore 3 thèmes à évoquer : Guardiola et KDB, Romelu et le racisme, et la fin de carrière d’Eden. Choisis un des trois".
Tu t’es tourné vers le Manager de ton agenda de ministre : "Ellis, I know we’re late but I’m gonna answer the three questions. Thank’s". Et tu as rajouté dix minutes aux trente prévues.
Au total, les quarante ont été à ton image : denses, parfois surprenantes, parsemées de sourires ou de traits d’humour, bienveillantes.
Tu ferais peut-être un fantastique Président de la Fifa
Dans le "temps complémentaire" que tu nous as accordé, on parle de Romelu Lukaku et du racisme, un thème qui te tient particulièrement à cœur, tout comme l’éducation, le multiculturalisme, l’intégration, et les valeurs humaines qui te sont chères. Je me suis souvenu de ton attitude vis-à-vis des fans anderlechtois qui s’en étaient pris au brugeois Simon Mignolet, gardien de l’équipe "adverse" pour eux, mais équipier chez les Diables et donc ami pour toi. Tu avais pris sa défense, fâché sur tes propres supporters. Impressionnant, inspirant, émouvant même. Je me demande comment tu aurais pris la défense de Big Rom face aux insultes racistes dont certains fans de la Juve l’ont couvert. "Les choses changeront quand des gens de couleur tiendront des postes à responsabilités" as tu dit un jour. Tu ferais peut-être un fantastique Président de l'UEFA ou de la FIFA ?
Fin de l’entretien, time to go, merci pour le pot de départ
Pas tout à fait, parce que quand Ellis a commencé à presque te gronder pour le retard pris dans ton planning du jour, tu as tout de même tenu à effectuer un crochet vers les enfants qui t’attendaient à la barrière depuis 1 heure et à consacrer 5 grosses minutes à leur accorder des autographes ou des selfies.
Voilà pourquoi, Cher Vincent, dans ce vol Manchester-Charleroi, j’ai un peu la tête qui tourne.
Merci
Pierre