Que se passe-t-il dans le Kasaï, cette province située au centre de la République Démocratique du Congo? Depuis plusieurs mois, elle est secouée par des violences. Une vingtaine de fosses communes ont été découvertes ces derniers jours. Deux experts de l'ONU ont été tués. En tout, plus d'1 million 500 000 personnes sont affectées par ce conflit, selon les chiffres de l'ONU.
A la base: un conflit local autour de la succession d'un chef coutumier
Tout commence au printemps de l'année dernière dans une petite ville au Nord de Kananga, à plus de 1000 kilomètres de la capitale, Kinshasa. Les autorités provinciales refusent de nommer un chef traditionnel, qui se fait appeler Kamwina Nsapu, ce qui veut dire "Fourmi noire urticante". Alors, le chef coutumier en question entre en rébellion. En août dernier, il est tué par les forces armées et sera enterré sans respecter le rite traditionnel.
Dieudonné Wamu Oyatambwe est spécialiste de la République démocratique du Congo et chercheur à la VUB, il détaille : "Le chef a été tué et ses symboles du pouvoir ont été profanés, dégradés. Sur le plan de la croyance, cela constitue une sorte de violation. Cela touche à des symboles auxquels les gens adhèrent". Cela a donc soufflé sur les braises de la colère des partisans du chef traditionnel. Ils s'opposent depuis aux forces de sécurité, prennent pour cible l'armée, la police. Parfois aussi les écoles et les églises. Selon l'ONU, ils commettent de nombreuses atrocités.
De très jeunes miliciens, un phénomène encore très récent et flou
Le profil de ces miliciens Kamwina Nsapu et leurs revendications sont encore très floues. Le phénomène, très récent et mouvant. Sur les vidéos qui circulent, ils portent des bandeaux rouges, sont armés de bâtons, de machettes ou de vieux fusils. Et certains sont très très jeunes.
Ce sont souvent des citoyens, jeunes avec une rage très prononcée
Kris Berwouts travaille sur la République démocratique du Congo, c'est un expert indépendant: "Ce que l’on entend, ce que l’on voit dans les vidéos qui circulent sur internet, dont l'authenticité est parfois discutable, ce sont des gens très jeunes, parfois des enfants de 5-6 ans, je l'ai lu aussi dans des rapports. C'est en fait une structure qui n’a pas une capacité militaire claire. Ce n’est pas un groupe armé classique comme ceux que l'on connaît à l’Est de la RDC. Ce sont souvent des citoyens, jeunes avec une rage très prononcée. Le problème, c'est que c'est assez difficile d'avoir une idée claire de ce phénomène, de comprendre comment il est structuré, quelles sont les revendications de cette rébellion. De nombreux porte-paroles autoproclamés apparaissent et commencent à formuler des revendications politiques. Mais ont-ils une réelle prise de ce qui se passe sur le terrain?".
La réponse disproportionnée des forces armées
Les forces armées répondent de manière disproportionnée à ces violences des partisans de Kamwina Nsapu. L'ONU le souligne. Au début de l'année, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux. On y voyait des militaires tuer à bout portant des personnes non armées dans cette région.
Dieudonné Wamu Oyatambwe explique: "Parmi les gens qui sont arrêtés, parmi ceux que l'on torture et que l'on tue, il n'y a pas forcément que des partisans de ces milices-là. Mais le fait de mettre tout le monde dans le même sac, cela crée aussi d'autres partisans de ces miliciens. La contestation est aussi portée par d'autres déçus du système, d'autres révoltés, qui se mêlent à un mouvement de panique, à un mouvement de contestation vis-à-vis de l'autorité publique qui ne fait pas de distinction quand elle intervient, dans la répression".
Kris Berwouts renchérit: "L'armée est composée des gens mal formés, elle n'est pas payée ou presque, elle n'est pas motivée. Le fait qu'elle se déploie de cette manière, cela entraîne des conséquences négatives sur la population. L'armée est un des grands problèmes de ce conflit".