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Au Festival de Cannes, les yachts font exploser l’empreinte carbone : ce collectif tire la sonnette d’alarme

L'impact écologique des yachts

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Par Lavinia Rotili & Margaux Guyot

Pour les avions, ça existait déjà. Aujourd’hui, il y en a un même pour les yachts : il s’agit d’un collectif qui scrute les yachts aux quatre coins du monde pour en calculer l’empreinte carbone. Spoiler : les émissions de CO2 sont très très élevées. Et lorsqu’on se tourne vers le festival de Cannes, on voit que ces bateaux de luxe peuvent faire des ravages écologiques.

Le collectif "Yacht CO₂ tracker" a été créé en août 2022 et comprend une dizaine de membres, raconte l’un d’entre eux, qui a souhaité rester anonyme. Son objectif, c’est mettre à l’avant-plan le poids écologique de ces biens de luxe.

Si la recherche scientifique est vaste à ce sujet, est moins médiatisée que pour les avions. Par exemple "un superyacht avec un équipage permanent, un héliport, des sous-marins et des piscines émet environ 7020 tonnes de CO2 par an, ce qui en fait de loin le pire actif à posséder d’un point de vue environnemental", rapportait le média de divulgation scientifique The Conversation.

Et qui dit bateaux de luxe, dit milliardaires. "Au sein des quinze milliardaires qui émettaient le plus de CO2 en 2018, l'essentiel de ces émissions était lié aux bateaux. Nous avons trouvé ce constat interpellant et on s’est demandé s’il était possible de suivre les bateaux et d’en estimer les émissions de CO2 au fur et à mesure", explique-t-il. En 2018, par exemple le premier pollueur mondial était Roman Abramovich, milliardaire russe et ancien patron du club de Chelsea. Son bilan était de 30.000 tonnes de CO2. Et, parmi ses avoirs se trouve le superyacht "Eclipse" qui, avec ses 162 de longueur, est le 2e yacht le plus grand au monde.

"Amener le sujet sur la place publique"

"Ces bateaux sont propulsés par des gros moteurs. Souvent, il s’agit de moteurs diesel ou de turbines à gaz dont la consommation peut aller à des centaines de litres de diesel par heure. Pour les très gros, on parle de milliers de litres de diesel par heure. Cela fait des tonnes et des tonnes de CO2 émises par heure de navigation du bateau", explique le membre du collectif.

Aujourd’hui, le sujet revient sur la table à l’occasion du festival de Cannes, où les célébrités venues à bord de bateaux de luxe sont nombreuses. Yacht CO₂ tracker les suit depuis des mois : beaucoup d’entre eux ont traversé l’Atlantique et se trouvent aujourd’hui dans la région de Cannes. Pour le collectif, c’est "inadmissible" et, en tout cas, "questionnable" de voir qu’à l’heure où on demande à tous de réduire son empreinte carbone, "certains puissent disposer d’équipements de loisirs qui crament, en 1 heure, le budget CO2 d’une personne pour un an".

"Notre démarche, c’est d’essayer d’amener le sujet sur la place publique", ajoute-t-il.

En toile de fond, il y a aussi une réflexion sur l’hypocrisie du monde du cinéma, qui s’exprime souvent en faveur de l’écologie. "Une manière d’arriver au débat est de poser la question aux personnes qui se sont déjà positionnées par rapport au réchauffement climatique et leur demander comment elles se positionnent par rapport à ce qui se passe à Cannes", explique-t-il.

La question lui paraît d’autant plus importante lorsqu’on pense que le deuxième plus grand pollueur de la planète en 2018 était David Geffen, donc le co-créateur des studios Dreamworks. Son empreinte carbone était estimée à 18.000 tonnes de CO2.

"Si tous consommaient autant, combien de centaines de planètes faudrait-il pour que le monde soit vivable ? Ce n’est pas possible en fait. Pourtant, ces comportements existent. Le cinéma est un milieu où gravitent des gens de pouvoir et on y retrouve ce genre de comportement. Or l’état actuel du débat, c’est qu’on ferme les yeux là-dessus. En ce qui nous concerne, ce n’est pas tolérable", s’exclame-t-il.

Comment l’empreinte carbone est-elle calculée ?

Le collectif se veut également transparent sur sa démarche. "Nous utilisons deux moyens. Il y a l’AIS, le Système d’Identification Automatique : il s’agit d’un équipement de sécurité dont disposent tous les gros bateaux, avance notre interlocuteur. Ils communiquent ainsi leur position, leur vitesse et l’identifiant du bateau pendant la navigation. Nous l’utilisons pour suivre les déplacements des bateaux. Ensuite, on a accès aux données du constructeur. Dès qu’on connaît la vitesse, le trajet du bateau, le type de moteur, la puissance de la motorisation, on peut les combiner aux données sur la consommation de carburant des moteurs principaux publiées par les constructeurs des moteurs."

Cela permet d’obtenir la consommation en litre de gasoil pour la journée, qui est ensuite multipliée par 2,6 pour obtenir l’équivalent de CO2 émis pour la journée.

A noter, toutefois, que ces émissions concernent uniquement les déplacements du navire. Le CO2 émis par les équipements – plus ou moins polluants – des bateaux, comme les salles de sport, les piscines, les équipements high-tech, ne sont pas pris en compte. 

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Le projet semble rencontrer un certain succès : le collectif affirme avoir reçu du soutien par rapport à la récente initiative sur les yachts à Cannes. Beaucoup de citoyens, par exemple, vont aider en envoyant des éléments ou des photos pour identifier les bateaux de luxe.

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