Association des journalistes professionnels : "La police doit laisser travailler les journalistes"

Image de l'intervention filmée par Jeremy Audouard lors de la manif BLM.

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Par Aubry Touriel

Deux policiers, poursuivis pour avoir pris la caméra de deux journalistes et effacé les images qu’ils avaient tournées en 2015, ont été reconnus coupables de vol d’usage jeudi devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.

Même si elle regrette l’absence de sanction à l’encontre des deux policiers coupables, Martine Simonis, secrétaire générale de l’association des journalistes professionnels (AJP) se dit "assez satisfaite" de la décision du tribunal : "C’est une bonne décision sur le principe. Elle permet de réaffirmer que les journalistes ont le droit de filmer et que la police ne peut pas confisquer leur matériel ou supprimer leurs enregistrements. Pour les journalistes, c’est l’évidence même, mais c’est bien qu’un tribunal le rappelle."


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En novembre 2019, le tribunal de première instance de Bruxelles avait déjà donné raison aux organisateurs de l’exposition " DON’T SHOOT " (dont Zin TV) en reconnaissant le droit de publier des photos non floutées de la police dans l’exercice de ses fonctions dans l’espace public : "La divulgation de photographies de policiers dans l’exercice de leurs fonctions publiques est assimilable à la divulgation de photographies de personnes publiques […]. Les policiers sont des fonctionnaires qui exercent leur métier en contact avec le public et dans l’intérêt de celui-ci, très souvent sur la voie publique ou dans les lieux publics", pouvait-on alors lire dans la décision.

On assiste à un estompement des normes des violences par la police

L’AJP reçoit de plus en plus de plaintes de journalistes dont le travail serait entravé par les forces de l’ordre. Martine Simonis prend l’exemple de la manifestation de Black Lives Matter en juin 2020 : "On a introduit trois plaintes au comité P dans le cadre de cette manifestation. Certains journalistes ont été arrêtés, d’autres se sont fait confisquer leur matériel." Ces plaintes ont ensuite été transmises au parquet ou traitées par le Comité P.


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Selon la représentante de l’AJP, les relations étaient tendues entre policiers et journalistes en 2020 : "La situation de pandémie et l’occupation de l’espace public entraînent une surcharge du côté des policiers. On assiste à un estompement des normes des violences par la police, surtout en France où c’est la chasse aux journalistes. Ça provoque plus d’incidents indésirables. La police doit laisser travailler les journalistes et ne pas les confiner dans une zone."

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Climat de haine sur les réseaux sociaux

Martine Simonis est également convaincue que les propos haineux sur les réseaux sociaux ne font qu’amplifier les pressions sur les journalistes. "Et parfois, ce sont même des présidents de parti qui s’en prennent directement aux médias. Bart De Wever a par exemple qualifié le site d’investigation Apache de "média diffamatoire" et de "journalistes de caniveau"."


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En 2020, le Conseil de l’Europe a établi 6 alertes relatives à la liberté des médias en Belgique. Parmi celles-ci, les journalistes d’Apache ont découvert qu’ils étaient suivis par des détectives privés pendant la période au cours de laquelle Land Invest Group a déposé diverses demandes de dommages et intérêts contre Apache, notamment à l’automne 2016.

On lit également dans ces alertes que la journaliste Florence Hainaut a été la cible d’une campagne de harcèlement et Tanja Milevska, correspondante de l’agence de presse macédonienne MIA à Bruxelles, a reçu des menaces de mort et de viol.

Pour Martine Simonis, toutes ces attaques ont pour but de placer les journalistes sous silence: "À terme, cela pourrait aboutir à ce que des journalistes ne couvrent plus ces sujets ou fassent de l’auto-censure, ce qui affecte la qualité de leur travail. Même s'il est difficile d’avoir des conditions de travail sereines, nous restons vigilants et n’hésiterons pas à déposer plainte ou à saisir le Comité P si nécessaire."

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