Belgique

"Arrêtez de protéger l’élite blanche" : les réactions au jugement dans l’affaire Sanda Dia, mort lors d’un baptême étudiant

Le portrait de Sanda Dia, et une manifestation silencieuse sur la Place Verte à Anvers, après le jugement rendu vendredi par la cour d'appel d’Anvers dans le procès contre les 18 membres du club d’étudiants Reuzegom qui sont associés à la mort de Sanda Di

© Belga

Par Daphné Van Ossel

"Arrêtez de protéger l’élite blanche", "punissez les auteurs, pas les victimes", "Pourquoi mes manuels scolaires valent-ils autant qu’une vie humaine ?". Une centaine de personnes ont manifesté ce samedi à Anvers, pour dénoncer le verdict tombé vendredi dans l’affaire Sanda Dia, cet étudiant décédé en décembre 2018 des suites d’un baptême étudiant au sein du cercle "De Reuzegom".

18 étudiants de ce cercle ont été condamnés vendredi par la cour d’appel d’Anvers pour "homicide involontaire" et "traitement dégradant". Ils ont par contre été acquittés en ce qui concerne l’administration de substance nocive – dont de l’huile de poisson – ayant entraîné la mort. Ils écopent de 200 à 300 heures de peine de travail, assorties d’une amende de 400 euros.

Des peines bien plus légères que les peines de 18 à 60 mois de prison demandées par le parquet dans son réquisitoire.

Pour deux avocats des étudiants, il s’agit d’un jugement "équilibré", "équitable". La famille de Sanda Dia n’a jamais appelé de ses vœux des peines de prison. Selon son avocat, Sven Mary, elle regrette surtout de ne pas avoir de réponses à ses questions, de ne pas savoir qui a fait quoi : "En 5 ans, on n’a jamais pu savoir qui lui a fait ingurgiter de l’huile de poisson. Personne n’a rien vu !”, nous dit-il.

Casier judiciaire

Pour la famille Dia, il était par ailleurs important que cette condamnation figure sur le casier judiciaire des jeunes condamnés. "Tous ces jeunes sont des intellectuels de haut niveau, rappelle le pénaliste. Ils ont tous la volonté de faire des grandes carrières, dans le pouvoir juridique ou exécutif, notamment. Les électeurs doivent savoir ce que les hommes politiques ont fait dans leur vie. D’autant plus quand on parle de 'traitement dégradant' !"

Il y a eu une certaine confusion à ce sujet, mais finalement le SPF Justice a fait savoir que la condamnation n’apparaîtra pas sur l’extrait de casier judiciaire. Elle figurera dans leur casier, sera visible par les parquets, la police et les services de sécurité mais pas par leurs éventuels futurs employeurs. Sven Mary conteste ce qu’il estime n’être que l’interprétation d’un fonctionnaire du SPF.

"Arrêtez de protéger l’élite blanche", "punissez les auteurs, pas les victimes" disent les manifestants, place Verte, à Anvers. Les journalistes qui ont suivi l’affaire ont aussi leurs avis, qu’ils ont livrés dans leurs journaux.

Le 26 mai 2023 ne restera pas dans les mémoires comme un grand jour pour l’État de droit

Les mots de Douglas De Coninck, dans le Morgen, font écho aux pancartes des manifestants. "Le 26 mai 2023 ne restera pas dans les mémoires comme un grand jour pour l’État de droit", écrit-il. "Lorsque le scandale de l’affaire Sanda Dia a éclaté en 2020, des militants du Black Lives Matter et des twittos ont laissé entendre que, pour ces jeunes seigneurs, la justice ne serait pas rendue comme elle le serait pour d’autres. À l’issue de ce procès, on ne peut que constater qu’ils avaient correctement prédit l’issue du procès."

Une peine effective

Dans le Standaard, Heleen Debeuckelaere évoque pour sa part "une peine forte", "un juste milieu". Elle insiste sur le fait que c’est une peine effective : "Elle devra être exécutée."

Un juste milieu

"Le jugement indique que les juges ont également pris en compte les sanctions disciplinaires déjà subies (imposées par la KU Leuven, ndlr), la couverture négative sur les médias sociaux (les membres de Reuzegom ont été pris pour cible sur les réseaux sociaux, ndlr) et la longue durée de la procédure. Le jeune âge des étudiants, ainsi que leur casier judiciaire vierge, ont également été pris en considération.", ajoute la journaliste.

Nadine Van Der Linden, journaliste au Laatste Nieuws, estime que "ces peines de travail peuvent être plus qu’un job de vacances. L’impact dépendra beaucoup de la personne condamnée.” "Une peine de travail, poursuit-elle, c’est beaucoup plus léger qu’une peine d’emprisonnement. […] Les courtes peines ne sont pas exécutées, il ne faut donc pas en surestimer l’impact. Mais la prison, c’est un concept qui a du poids, ce qui n’est pas le cas d’une amende de 400 euros. C’est ce que dépense la jeunesse dorée en une soirée à Knokke."

La prison, c’est un concept qui a du poids, ce qui n’est pas le cas d’une amende de 400 euros. C’est ce que dépense la jeunesse dorée en une soirée à Knokke.

"Les peines prononcées sont-elles justes ?", demande la journaliste. "Une peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction. Si ces peines provoquent des réactions véhémentes, c’est qu’il n’y a pas de consensus social sur cette infraction. Pour certains, il s’agit d’un meurtre raciste, pour d’autres d’un baptême qui a dérapé. Si l’on considère les préventions retenues par la Cour, comme l’homicide involontaire, les peines sont proportionnées."

Pour les amis de Sanda Dia, pas de #JusticeForSanda

Dans Het Nieuwsblad, Pieter Huyberechts souligne aussi le fait que les peines de travail ont le mérite d’être effectives : "La question est de savoir ce qui aura le plus d’impact et de sens : un membre de Reuzegom qui passera cinq heures chaque week-end pendant un an à aider une maison de retraite ou à assister des personnes handicapées dans leurs déplacements ? Ou un membre de Reuzegom qui risque théoriquement deux ans de prison pendant un certain temps, mais qui se tait et continue à travailler tranquillement ? Après quoi la peine disparaît miraculeusement. Poser la question, c’est y répondre."

Il cite par contre les amis de Sanda Dia : "Notre meilleur ami est mort et ils sont condamnés à des travaux d’intérêt général ? Et cela ne figurera peut-être même pas dans leur casier judiciaire”. Et concède : "pour eux, il n’y a pas de #JusticeForSanda".

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