Arrestation de l'opposant Paul Rusesabagina : "Les autorités rwandaises ont passé la ligne rouge"

Arrestation de l’opposant Paul Rusesabagina : "Les autorités rwandaises ont passé la ligne rouge"

© NICOLAS MAETERLINCK - BELGA

L’arrestation dans des circonstances nébuleuses, de l’opposant rwandais Paul Rusesabagina, connu pour son histoire racontée dans le film Hotel Rwanda, suscite les interrogations depuis le début de la semaine dernière.

C’est le lundi 31 août que les autorités rwandaises ont publiquement montré Paul Rusesabagina menotté devant les caméras. Le procureur rwandais avait alors lu son acte d’accusation : Paul Rusesabagina doit répondre de terrorisme, d’incendies, d’enlèvements et de meurtres.

L’histoire de Paul Rusesabagina, qui a 66 ans aujourd’hui, a été portée à l’écran en 2004 dans le film Hotel Rwanda, qui décrit comment ce directeur d’hôtel hutu, marié à une femme tutsi, avait contribué à sauver d’une mort certaine plus de 1200 personnes pendant le génocide de 1994, qui avait fait plus de 800 000 victimes, majoritairement Tutsi, mais aussi des Hutus modérés au Rwanda. Il avait fourni une cachette dans son établissement, l’Hôtel des Milles collines à Kigali.

Il n’aurait jamais été de son plein gré

Aujourd’hui, c’est la façon dont Paul Rusesabagina se retrouve derrière les barreaux au Rwanda qui pose question, et fait réagir les ONG. L’homme s’était rendu à Dubai, à la fin du mois dernier. Le héros du film Hôtel Rwanda a été victime d’une "disparition forcée", estime Human Rights Watch (HRW). Les autorités rwandaises doivent répondre de cet acte de manière exhaustive, ajoute l’organisation humanitaire ce vendredi.

Le président rwandais Paul Kagame avait affirmé dimanche que le héros du film Hôtel Rwanda était revenu de son plein gré à Kigali avant son arrestation, ce que la famille de Paul Rusesabagina nie catégoriquement.

"Papa a été poursuivi par le gouvernement rwandais, nous explique sa fille Carine Kanimba, qui se trouve en Belgique. En sachant que le gouvernement lui veut du mal, il n’aurait jamais été de son plein gré. "

Sa famille avait reçu des messages écrits lorsqu’il y est arrivé. Et puis plus rien, jusqu’au 31 août, et son apparition à Kigali retransmise sur les médias rwandais.

"Permettez-moi d’éliminer le mot kidnapping parce que ce n’était pas le cas. Rusesabagina en témoignera de lui-même. Il n’y a pas eu d’enlèvement, il n’y a eu aucun acte répréhensible dans le processus de son arrivée ici, a déclaré le président Paul Kagame devant les caméras des médias d’Etat rwandais. Il est arrivé ici sur la base de ce qu’il croyait vouloir faire C’est comme quand vous appelez un numéro pour joindre quelqu’un et vous vous rendez compte que vous avez formé le mauvais numéro."

"On a peur pour sa santé"

Paul Rusesabagina, qui a 66 ans aujourd’hui, est exilé depuis les années 90, en Belgique, et il y a obtenu le statut de réfugié en 1996. Il a acquis la nationalité Belge depuis, et partage son temps entre la Belgique et les Etats-Unis, où il réside. Aujourd’hui, sa fille craint pour sa santé en prison :

 

Le régime rwandais a passé la ligne rouge

Vincent Lurquin, l’avocat belge de Paul Rusesabagina, met en cause directement les autorités rwandaises, et affirme lui aussi que son client n’a pas pu rejoindre volontairement le Rwanda. "Il s’agit et c’est extrêmement rare d’un enlèvement. Cela rien à voir avec les normes élémentaires de droit international ! s’exclame-t-il. Il était à Dubai, on l’a fait monter dans un avion privé, on l’a endormi, et on l’a réveillé à Kigali. Il était clair qu’on ne voulait absolument pas aller à Kigali, il est réfugié en Belgique, ça veut dire que la Belgique considère qu’en cas de retour il craint avec raison d’être persécuté. Vincent Lurquin ajoute : "Cette fois-ci, le régime rwandais a passé la ligne rouge.

Des accusations graves, un dossier sensible

L’homme, symbole de la coexistence rwandaise à la fin de la guerre, était devenu l’un des opposants les plus critiques du régime du président rwandais Paul Kagamé, lui reprochant son autoritarisme, et des atteintes aux droits de l’Homme, commis à ses yeux par le Front patriote rwandais (FPR, au pouvoir depuis la fin du génocide) notamment à l’égard des Hutus. En exil, Paul Rusesabagina avait fondé un parti d’opposition, le MCRD, lié à une branche armée, qui aurait revendiqué des attaques militaires. "C’est quelqu’un qui symbolise le fait de s’être opposé au génocide, martèle Vincent Lurquin. Au cours de sa vie il est devenu un opposant à u n régime de plus en plus dur et dictatorial. C’est sûrement cela qu’on lui reproche. Mais quand vous voyez dans l’acte d’accusation que l’on reproche à Monsieur Rusesabagina le fait d’être négationniste envers le génocide, je trouve que c’est tout à fait ahurissant".

Le président Kagame a assuré que Paul Rusesabagina serait traité équitablement, même si sa famille a exprimé des inquiétudes sur sa défense juridique. Les autorités rwandaises ont assigné un avocat à Paul Rusesabagina, mais sa famille souhaite qu’il soit défendu par une équipe d’avocats internationaux, parmi lesquels se trouve son avocat belge Vincent Lurquin.

Les autorités consulaires belges au Rwanda ont rendu une visite consulaire  à Paul Rusesabagina, ressortissant belge, mardi. Entre-temps, HRW s’inquiète aussi pour sa situation. "Le Rwanda a un passif établi de recours à des méthodes illégales, secrètes, pour viser ceux perçus comme des menaces pour le parti au pouvoir", a déclaré Lewis Mudge, directeur de HRW pour l’Afrique centrale, ajoutant que la gravité des charges qui pèsent au Rwanda sur Paul Rusesabagina ne peut justifier le "crime de disparition forcée".

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