C’est une école surprenante dans laquelle nous nous sommes invités. Elle est située au rez-de-chaussée d’un immeuble. Le bureau de la directrice se trouve au fond du couloir et de part et d’autre de ce couloir central, plusieurs pièces qui ressemblent davantage à des chambres qu’à des classes. C’est que, dans cet établissement pas comme les autres, les élèves apprennent le néerlandais, l’anglais et neuf autres langues comme le turc ou le russe. Avec à chaque fois une même méthode : l’autohypnose.
L’autohypnose pour désinhiber les candidats au bilinguisme
"Grâce à cette technique, et aussi grâce au savoir-faire des professeurs formés à l’utiliser, on arrive à améliorer la mémorisation (de 300 à 500%) et surtout on permet à l’élève, en le désinhibant, d’oser parler, nous confie Rosy Stupello, la directrice d’ABC Langues. Notre module de base, de 30 heures (environ 1600 euros) suffit déjà au candidat d’avoir un bagage dans la langue qu’il a choisie et d’oser exploiter ce qu’il connaît."
Bien sûr, la toute première séance (190 euros), qui dure en moyenne quatre heures, est consacrée à apprendre à l’élève comment atteindre cet état d’autohypnose en quelques minutes avant chaque cours. Un état Alpha comme on dit, qui ouvrirait donc toutes les portes à une hyperconcentration mentale et ce qui ne gâche rien nous demanderait très peu d’énergie.
Un état Alpha qui suractive notre cerveau droit plus créatif
"En réalité, quand nous nous mettons en autohypnose, nous mettons en quelque sorte en veilleuse notre cerveau gauche plus rationnel, plus logique, celui qu’on utilise tout le temps et dans le même temps, on suractive notre cerveau droit, plus émotionnel, plus créatif… La concentration et les facultés de mémorisation sont alors démultipliées", nous explique Eric Mairlot, Neuro-psychiatre spécialiste de l’hypnose.
"Cela augmente tous les apprentissages, car quand le cerveau a un objectif, se focalise sur lui et qu’il est motivé car on ne peut pas forcer un cerveau à faire quelque chose s’il ne le veut pas, quand nous sommes donc motivés pour apprendre quelque chose, une langue mais aussi un sport voire un instrument de musique, notre cerveau augmente sa plasticité cérébrale sous hypnose. Du coup, de nouvelles connexions se font beaucoup plus facilement."
Un phénomène neuropsychologique naturel dès la naissance
Et de poursuivre, "L’hypnose est un phénomène neuropsychologique, bien connu depuis longtemps. On le développe naturellement depuis notre naissance. Quand un enfant est dans sa bulle, il se passe énormément de choses dans sa tête, il est partiellement déconnecté de la réalité et il investit tout un fonctionnement imaginaire." C’est cet état que l’on doit souvent réapprendre à atteindre à l’âge adulte.
Mais pas une technique magique pour devenir polyglotte
Alors les langues se délieraient-elles plus facilement sous hypnose, l’autohypnose est-elle un moyen magique de devenir polyglotte ? Nous avons contacté le CERAN. Cette école internationale de langue utilise une autre méthode, une approche en immersion, où les quelque 5000 élèves annuels sont littéralement baignés de 8 heures du matin à 22 heures pendant toute une semaine en résidence dans la langue choisie.
Son directeur commercial, Roland Bartholomé nous confie que certains de ses collègues ont testé cet apprentissage en autohypnose et qu’ils n’en sont pas revenus bilingues. Il n’y a pas de miracle. Selon lui, Il faut beaucoup plus que 30 heures pour acquérir les bases d’une langue.
Au Ceran on parle de plusieurs centaines d’heures pour parler une langue
Il confirme : "L’Europe parle de 300 à 500 heures pour passer d’un niveau à l’autre. Cela comprend des heures de formation formelle et des moments de pratique et d’étude personnelle. C’est une statistique officielle que l’Europe partage. Nous arrivons à faire un tout petit peu mieux parce que notre formation est intensive mais cela tourne autour de centaines d’heures."
Pour en avoir le cœur net, nous demandons à rencontrer d’anciennes élèves. Tamara Septon, 17 ans, accepte de témoigner. Elle a suivi les 30 heures d’anglais, en autohypnose en juillet dernier.
"Je n’osais pas parler, j’avais peur de faire des fautes, j’avais honte de mal parler. L’autohypnose m’a aidée, et à la fin j’ai même parlé une heure en Anglais avec mon prof, alors que je n’avais jamais fait ça", nous assure-t-elle. Mais lorsque nous switchons en anglais avec une petite question simple "How do you feel now ?" ("comment vous sentez-vous ?"), la réponse restera laconique "I’m fine" ("Je vais bien"). Rires un peu gênés puis elle nous explique n’avoir pas beaucoup travaillé son anglais depuis.
Comme quoi, l’autohypnose, ce n’est pas non plus une clé USB que l’on branche dans notre cerveau. Pour parler une autre langue, il n’y a pas 36 solutions, il faut surtout la pratiquer… Régulièrement.