Lors d’un concert de musique classique, disons de musique savante, il n’est pas toujours bienvenu de battre des mains en signe d’approbation, d’admiration, ou d’enthousiasme ! Alors bien sûr, à la fin du concert ou avant l’entracte, c’est une très bonne chose d’applaudir, pour peu que la pièce jouée ait plu au public, mais si l’œuvre jouée comporte plusieurs parties, plusieurs mouvements, l’habitude et la convention veulent qu’on ne rompe pas l’atmosphère ou le déroulement de la symphonie, du concerto ou du quatuor avec des claquements de mains intempestifs. Gare à ceux qui s’y risqueraient !
Une convention qui n’a pas toujours existé
A l’époque baroque, les concerts se tenaient souvent dans des lieux de passage ou des lieux comme les églises ou chez des particuliers, dans leur salon. Pas de silence ou de religiosité requis, on devait faire avec les bruits ambiants.
Bach par exemple présentait ses œuvres autour d’un bon verre et d’un casse-croûte, ça discute, ça échange, et le cas échéant ça laisse traîner une oreille sur la Cantate du jour.
Il en va de même jusqu’à l’époque de Mozart. On manifestait, à tout moment, son enthousiasme ou sa déception par des applaudissements ou des huées ! Il faut rappeler que la musique de Mozart que nous écoutons aujourd’hui était à l’époque neuve : il s’agissait de créations. Bien normal a priori que le public réagisse. Et il ne s’en privait pas, notamment à Paris, où le public était réputé pour être à l’occasion déchaîné.
La période romantique change la donne
Les compositeurs de l’ère romantique ont une vision de leur œuvre qui change. Ils la considèrent comme une unité, un tout, et il ne s’agit plus de l’entrecouper par des applaudissements ou des réactions. Et l’un des premiers à envisager son œuvre dans la continuité, sans arrêt entre les mouvements, c’est Félix Mendelssohn avec sa 3e symphonie, la Symphonie Écossaise.
L’applaudissement devient un élément du concert à part entière : il y a un temps précis pour claquer des mains. On engage même, figurez-vous, des claqueurs professionnels, engagés par l’institution musicale, pour guider le public afin qu’il puisse applaudir au bon moment. Le public se prête au jeu ! Certains connaissent les œuvres sur le bout des doigts, les étudient à la maison sur un clavier par exemple et savent donc parfaitement à quel moment ils peuvent manifester leur enthousiasme et applaudir.
La tradition des claqueurs finit par tomber en désuétude, mais on a conservé la règle du silence entre les parties d’une œuvre musicale ! L’opéra fait exception, là il est coutume de se réjouir bruyamment après un aria ou au contraire de huer copieusement un soliste ou une mise en scène peu appréciée.
Applaudissement, une réponse émotionnelle à la musique
Wagner remet en forme tout le déroulé du spectacle : le public est dans le noir, l’orchestre est caché et surtout, le silence est imposé ! Plus question de se construire de l’entregent et des relations, plus question d’observer si la duchesse X ou la baronne Y a la dernière robe à la mode, et d’en discuter entre deux applaudissements ! On est dans le temple de Wagner, à Bayreuth !
Aujourd’hui, nous sommes revenus à une forme un peu plus tolérante dans les concerts, mais la convention est encore source de conflits. L’enthousiasme du public et sa propension à le manifester sont, somme toute, assez naturels, n’est-ce pas ? Quel artiste n’est pas touché lorsqu’un membre de l’assemblée témoigne de sa joie, même à un moment que la convention réprouve ?