Inondations 2021

Anxiété, fatigue, burn out administratif : les inondations ont laissé des traces psychologiques

A Angleur, Marie-France Muller vit dans sa maison humide avec ses deux enfants, Leila et Yassine.

© RTBF

Par A-C. Croufer avec C. Adam

Quelles sont les conséquences psychologiques des inondations sur les habitants dans les vallées de la Vesdre et de l'Ourthe? Est-ce que la population va mieux? Est-ce que la solidarité a pu aider à surmonter le choc? Faut-il être vigilant sur du long terme?  Six mois après, nous sommes allés à la rencontre des victimes des inondations.


►►►Retrouvez notre dossier spécial : inondations en Belgique, 6 mois après


Je me sens déracinée

Rappelez-vous, c'était en juillet dernier, lors des inondations. Jeanine Paulus était sauvée in extremis par ses voisins sur une bouée sans avoir le temps d'emmener quoi que ce soit: "J'ai 86 ans,  je ne sais pas comment je vais m'en sortir, tout est sous eau" témoignait-elle à l'époque.

En juillet dernier, lors des inondations, Jeanine Paulus était sauvée in extremis par ses voisins sur une bouée sans avoir le temps d'emmener quoi que ce soit.
En juillet dernier, lors des inondations, Jeanine Paulus était sauvée in extremis par ses voisins sur une bouée sans avoir le temps d'emmener quoi que ce soit. © RTBF

Six mois plus tard, nous l'avons retrouvée. Elle loue un appartement sur les hauteurs de Liège. Elle espère revenir en été dans sa maison qu'elle habitait depuis 60 ans: "Je me sens déracinée" confie-t-elle aujourd'hui. "On est là, on attend, on n'a pas faim, on n'a pas soif, on n'a pas envie de manger. Maintenant, on m'apporte les repas".


►►► Six mois après les inondations, la crue de la Vesdre n'en a pas fini avec la vallée et ses habitants


Jeanine loue un appartement sur les hauteurs de Liège. "Je me sens déracinée" explique-t-elle.
Jeanine loue un appartement sur les hauteurs de Liège. "Je me sens déracinée" explique-t-elle. © RTBF

Quinze jours après les inondations, Jeanine tombe en dépression. Le 5 août exactement, elle est hospitalisée pour des soins psychologiques. Elle restera deux mois à l'hôpital. Aujourd'hui, elle va mieux, mais elle reste fragile: "Quand je suis toute seule, c'est insupportable. Le silence est assourdissant. Vous vous demandez dans quoi vous êtes, si vous êtes dans une bulle... Moi je ne sais pas mettre la radio, ça fait trop de bruit".


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"Les repères ont été bousculés, il y a beaucoup de peur, beaucoup d'anxiété. Les personnes ont des problèmes de mémoire aussi parfois" explique Denis Eyckmans, fils de Jeanine et psychologue.

Il n'y a pas de pause dans notre tête

Anxiété, fatigue, burn out administratif: les inondations ont laissé des traces psychologiques
Anxiété, fatigue, burn out administratif: les inondations ont laissé des traces psychologiques © RTBF

A Angleur, Marie-France Muller vit dans sa maison humide avec ses deux enfants, Leila et Yassine.

C'est seulement des mois après les inondations qu'elle est tombée en burn out. Un burn out administratif: "Il n'y a pas de pause pour le moment dans notre tête. On va dormir, on se réveille, et on est directement en mode: je dois téléphoner, je ne dois pas oublier de faire ça. C'est l'épuisement, c'est la fatigue. C'est l'attente aussi qui devient très longue. On se demande quand on va retrouver une vie un peu normale" confie Marie-France Muller, les larmes aux yeux.


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Malgré leur jeune âge, Leila et Yassine font preuve d'une grande maturité. Il n'empêche qu'ils sont tracassés: "Je m'inquiète parce qu'on se demande si on va encore vivre ici longtemps comme ça" déclare Leila, 10 ans. "Est-ce que ça va être vite refait? Est-ce que tout ce qui est assurances, etc, ça avance ou pas? Quand il pleut fort, j'ai peur, on se demande si les égouts vont tout emporter ou si ça va monter comme la dernière fois, si on aura le temps de sauver des affaires cette fois-ci ou pas".

Il faut un suivi sur le long terme

Sur le moment même, les victimes des inondations ont vécu un traumatisme collectif, ce qui a pu les aider dans un premier temps. Pour Etienne Vendy, psychologue, la fatigue et l'anxiété arrivent beaucoup plus tard. Un état qu'il faut surveiller pour ne pas tomber en dépression: "Les sinistrés sont face à des imbroglios administratifs, les assurances, et ça, c'est vraiment extrêmement fatigant pour eux. Je pense qu'on peut dire que le problème n'est plus tant un état de stress post-traumatique pour la majorité de la population, mais plutôt un état de fatigue, voire d'anxiété parce qu'il y a une insécurité quant à la reconstruction. Là, je pense qu'il faut un suivi sur le long terme" conclut le psychologue.

C'est clair, la reconstruction est lente et éprouvante, tant dans les maisons que dans les têtes.

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