Antoni Tàpies, "La pratique de l’art" : une rétrospective inédite en Belgique à découvrir à Bozar

Tàpies devient un créateur singulier en réalisant sans pinceau des peintures matiéristes. Il recouvre les supports de différentes matières : le goudron ou le plâtre, ensuite le vernis à partir de 1980. Les panneaux gagnent en épaisseur et en volume. Il intègre d’autres matériaux dans ces bas-reliefs qu’il nomme des " murs " à l’instar de la traduction du mot Tàpies en catalan. L’artiste incise et lacère la surface. Il trace des signes : la croix est une signature du peintre ; le cercle, le triangle et le rectangle renferment leur signification plurielle dans des formes closes.

Un corps à corps avec la matière s’engage sur le champ de bataille de la création. La paille, la corde, le tissu de coton et le drap de laine font corps avec la peinture. Les matériaux modestes véhiculent des connotations riches. Le corps fragmenté est évoqué. Il est démantelé ou violenté. L’empreinte figure sur le papier ou sur le panneau. La lecture de l’œuvre est politique. Les images informelles révèlent les stigmates de la guerre civile espagnole et de la dictature franquiste. La palette du peintre est terreuse. Entre le noir et le blanc, les ocres et les bruns jaunâtres tamisent les poussières de l’Histoire. Les lignes rouges signalent la résistance catalane.

Des objets concrets apparaissent tels des ready-made dans l’œuvre de Marcel Duchamp. Une pile d’assiettes, sans intervention visible de l’artiste. Panier à œufs et journal. Leurs présences accroissent l’impression de réalité.  

Nuria Homs, conservatrice de la Fondation Tàpies, au micro de Pascal Goffaux.

Antoni Tàpies, La pratique de l'art, première grande rétrospective en Belgique de l'oeuvre de l'artiste espagnol, à admirer à Bozar jusqu'au 7 janvier 2024.