Sur la route, Annick s’arrête, rentre dans un bosquet, se dirige vers un bouleau au pied duquel est posé une bouteille. Ces premiers jours de printemps sont synonymes de récolte. "La sève du bouleau, ça donne un kick au printemps, ma tension baisse, ça me nettoie tout le système."
Au quotidien, elle cueille des plantes dans les champs et dans les bois et prépare des huiles, des crèmes, des baumes. "J’apprends dans les livres, sur internet, lors de discussions. Je n’ai aucun don, aucun pouvoir, mais je me soigne par les plantes et par les huiles essentielles. J’essaye d’étoffer mes connaissances à ce niveau-là pour pouvoir aussi soigner mes animaux", explique notre hôte.
Cette femme forte et sensible est une sorcière, une sorcière moderne. "A l’époque quand on brulait les sorcières, on brulait les femmes qui n’étaient pas mariées, qui vivaient seules au contact de la nature et qui avaient des connaissances en plantes médicinales."
Si elles ne sont plus brûlées, les femmes seules et indépendantes continuent de faire jaser. Mais Annick n’en a que faire… Les plantes, la nature, la solitude, tels sont les éléments qui font son cadre de vie. Une existence rythmée par les saisons, loin du surmenage citadin.
"En hiver, j’hiberne, enfin, pas tout à fait, je nourris les chevaux, mais le rythme de vie est vachement au ralentit. En été, je vis avec la lumière, je me lève dès qu’il fait clair. Je suis en pleine forme, je booste mon immunité à la vitamine D, au zinc, à la ravintsara", confie-t-elle.
Vie de village
"Ici, les gens s’entraident très souvent. On est loin de tout mais on est peut-être plus proches que lorsqu’on est en ville où les gens ne sont que des numéros. Et ce n’est pas parce qu’on est dans la campagne que la culture est morte… Au niveau artistique, c’est très vivant, on a notamment Latitude 50, une école de cirque et d’art de rue et le centre culturel qui est très actif."
Annick ne vit pas non plus seule, mais avec des chats, des chiens, cinq chevaux et plusieurs autres en pension.
Elle enfourche le foin des chevaux avec vigueur. "Je les nourris quatre fois par jour."
Direction ses plantations. "Mon potager forme la plus grande partie de mon alimentation. J’ai 70 ans, mais je trimballe des brouettes et je pousse des boules de foin qui font 300 kg. Si je m’arrête un jour, j’ai peur que je ne puisse plus bouger, ou que je perde ma souplesse et ma force physique."
Dans son petit verger, des pommiers, des poiriers, des mirabelliers. "Chaque année, je rajoute un ou deux arbres fruitiers." Elle se dirige vers un bac, et cueille quelques crosnes du Japon dans la terre. "On va les préparer avec du beurre et du sel."
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Dans la cuisine d’Annick, des flacons d’huiles essentielles de toutes sortes, des tas de de casseroles et des souvenirs. Ici, chez elle, elle accueille régulièrement des femmes qui ont envie de travailler avec les chevaux ou de souffler un peu. Le Pré aux lucioles, c’est aussi un refuge.
Et c’est sans doute à cause ou grâce aux galères de la vie qu’Annick a développé une grande écoute. "Je serais bien allée vivre chez les Moso, une des dernières sociétés matriarcales en Chine…", rigole-t-elle.
Elle nous sert les crosnes et une délicieuse aubergine parmigiana réalisées avec les légumes du jardin de l’été dernier conservés au congélateur. Un régal.
Il est l’heure de se quitter. Nous laissons Annick à ses animaux pour repartir vers la ville, le corps rechargé de son énergie de sorcière toute particulière.
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