Christine Pinchart a rencontré Anne-Sophie Stefanini.
Christine Pinchart : On a le sentiment de découvrir un couple que rien ne peut bousculer, rien ne peut fâcher. Laure et sa mère Catherine ont une relation intime dans un univers feutré ?
Anne-Sophie Stefanini : Elles ont une relation mère-fille, qui ne veulent jamais se faire du mal. Laure a grandi seule avec sa mère, c’est l’être le plus cher qu’elle connaisse et lorsqu’elle a dix-huit ans, il faut qu’elle réalise son rêve de voyage. L’Algérie la passionne tout particulièrement, et elles vont partir à deux vers le Sud.
Un voyage en tête à-tête dans des conditions particulières et dans une voiture qu’il va falloir apprivoiser ?
Anne-Sophie Stefanini : Un tête-à-tête pour une traversée da la France, de Paris vers Nice. Un voyage que la mère a fait elle-même quand elle était jeune. Et puis l’idée qu’arrivées à Nice, vers ce port de la Méditerranée, les deux femmes se séparent. Et l’habitacle de la voiture résume assez bien leur relation, où les sons du monde y sont atténués, l’ambiance feutrée. Et en même temps dans cette intimité là, elles se découvrent bien différentes de ce qu’elles imaginaient avant le départ. Alors peut-être qu’elles oseront durant le voyage, se dire des choses qui ne se disaient pas avant.
Il y a un pan de son histoire qu’elle ne connaît pas ?
Anne-Sophie Stefanini : Elle a été privée de cette transmission, et de cette mémoire familiale. Et j’ai essayé de montrer qu’elle s’était construite par cette absence. Alors au moment du départ, lorsqu’elle va partir seule, qu’elle va réveiller ce besoin de comprendre, et cette envie de réclamer certaines vérités, elle pourrait accepter les non-dits et grandir.
Pour partir, Laure va laisser s’envoler une histoire d’amour, de manière presque mécanique ?
Anne-Sophie Stefanini : C’est vrai, cette rupture a un caractère mécanique, même si Laure est une jeune fille comme les autres. Elle rentre à l’université, elle a 18 ans, elle a des amis et elle a un amour. Mais ce voyage est crucial, elle veut réaliser son rêve d’aventure, comme les héroïnes des romans qu’elle affectionne. Et s’il faut en passer par la rupture, cela peut sembler mécanique en effet.
Nice, ça fait partie des souvenirs de Catherine ?
Anne-Sophie Stefanini : C’est à Nice que Catherine est née. C’est aussi à Nice qu’à l’âge de 18 ans, elle a dit au revoir à sa mère. Il y a l’idée d’une répétition de destin, de transmission, comme si les femmes de cette famille devaient choisir et se dire au revoir au même endroit.
Un voyage initiatique ?
Anne-Sophie Stefanini : Absolument, et il y a là, les deux mots que j’aime le plus au monde. Je voulais que ce soit un livre sur le voyage, et comprendre ce qui pousse à partir. Comprendre ce qu’est le voyage aujourd’hui et ce qui pousse à voyager. Puis découvrir s’il est encore possible de connaître une aventure comme ces voyageurs au 19° siècle. Ensuite il ya le mot initiation et je voulais travailler sur ce mot et sur la relation de ces deux femmes, leur intimité et l’évolution de leur relation au cours du voyage.
Un premier roman, qui offre à une jeune éditrice, de vivre l’aventure d’un livre comme un grand début. Une aventure à la fois physique et de l’intime, avec un goût pour la solitude qui nourrit un souffle de vie.
Anne-Sophie Stefanini, « Vers la mer » chez J-C. Lattès.
Christine Pinchart