Comment avez-vous décroché le rôle de Rose ?
De manière assez classique, j’ai passé un casting. Léonor (la réalisatrice, NDLR) a vu énormément de personnes, pour le rôle, et j’ai passé plusieurs 'tours'. Ensuite, on a beaucoup recherché le personnage en amont. Bien sûr j’ai des points communs avec Rose – de toute façon au départ de chaque validation d’un·e acteur·trice pour un rôle, il faut des points communs. Mais il y avait tellement de complexité dans ce personnage, qu’il y avait un vrai travail de construction à faire. Comme vous le savez peut-être, le film de Léonor est inspiré de la vie de son compagnon : le "petit frère" du film, c’est lui, et Rose est inspirée de sa mère. Mais j’ai vraiment eu le sentiment de créer une personne fictive. C’est la première fois que je ressens ça. C’est le plus beau rôle que j’ai joué de ma vie, et c’est la meilleure direction d’acteurs que j’ai eue.
Quels points communs voyez-vous avec Rose ?
Je suis adoptée : ma mère était migrante, elle venait du Sénégal, j’étais dans son ventre à la traversée, je suis née dans le métro, après elle est repartie et je ne sais pas qui c’est. (Elle est ensuite partie vivre en Martinique avec ses parents adoptifs, NDLR). Donc par rapport à mon histoire personnelle, le fait de jouer ce rôle, de me dire que je joue éventuellement la vie que ma mère biologique aurait eue si elle était restée en France, c’est un hommage, et c’est une belle revanche sur la vie.
Au lieu de faire des œuvres revendicatives, peut-être que le plus efficace, c'est juste de montrer le quotidien
Au début du film, Rose, votre personnage, arrive en France depuis la Côte d’Ivoire avec ses deux fils…
Oui. Elle a fait des études, elle devait être prof, mais elle a eu les enfants très jeune, elle a dû se marier avec l’homme avec qui elle les a eus… Alors elle décide de partir. C’est quand même extraordinaire le courage qu’elle a, de se dire, "Je vais choisir ma vie". Du coup, elle va chercher un logement, s’occuper de l’intégration des petits, trouver un travail comme femme de chambre – ça veut dire régresser socialement, vu que son diplôme d’enseignement, comme beaucoup de diplômes d’Afrique de l’Ouest, n’est pas reconnu en France, il faut que tu les repasses, et tu n’as pas le temps parce qu’il faut manger. Donc elle doit gérer tout ça – mais à côté, elle choisit avec qui elle veut coucher ! Et ça, c’est du panache, dans toute cette misère.